Chéri, tu
aimes mon tailleur? Tu as vu mon joli chapeau et mes lunettes de soleil? Le
noir, c’est ta couleur préférée, avoue que ça me va? Je fais très digne dans
cet ensemble. Je sais que tu n’es pas avare de compliments mais fais un effort
cette fois dis-moi que je me suis surpassée.
Féfé ça va?
Pourquoi tu fais cette mine? Il y a du monde qui nous regarde arrête de faire
la moue à ton âge mon Dieu on dirait que tu piques une crise d’adolescence.
Fréderick s’il te plait, fais meilleure figure on doit gérer les apparences.
Regarde le beau costume que je t’ai acheté, il est classe, n’est-ce pas? Bon
passons, je vais continuer à saluer les gens il faut que l’un d’entre nous se comporte
en adulte.
Ils sont
nombreux venus sympathiser avec la famille, il y en a que je connais, d’autres
non. Je ne pensais pas qu’on fréquentait autant de monde. Les enfants sont
assis à côté de moi, l’ainé secoue les pieds et la dernière n’arrête pas de me
solliciter. Je ne sais pas s’ils ont compris la situation mais je vois qu’ils
s’ennuient… donner la main à plein de gens n’a rien d’intéressant.
Oh oh! Regarde
celle-là qui s’amène, quelle effrontée mais quel toupet! J’ai découvert votre
relation il n’y a pas trop longtemps. Elle est soutenue par l’une de ses
acolytes qui l’épaule et me guette. J’entends des gloussements, des soupirs
dans la salle, je sens que certains s’attendent à un spectacle. Mmm!!!
T’inquiètes, je ne t’ai jamais fait de scène de ton vivant ce n’est pas à ta
mort que je vais commencer.
Oui mon cher
tu es bel et bien mort, et cela par ta faute. Tu as joué avec le feu et tu t’es
brulé. Depuis le temps que je t’exhorte à avoir un meilleur comportement, tu as
refusé de suivre mes conseils, au contraire tu as empiré.
J’ai pensé à
plusieurs solutions, voir un conseiller conjugal, te parler mais tu as mis un
mur entre nous, tu ne voulais plus communiquer avec moi. Tu as eu l’idée de me
laisser tomber comme une vieille chaussette sale. On n’abandonne pas sa muse!
Une fois de
plus, ce fut à moi de prendre les choses en main dans ce couple, tu es d’une
naturelle négligence. J’ai dû te souffler ta demande en mariage, te forcer à
remettre ton projet de fin d’études. Je t’ai aussi aidé à chercher un travail,
à évoluer…Alors pour arrêter ta déroute dont je ne pouvais plus payer les
frais, je t’ai tué.
J’ai pris
cette décision après avoir lu le message dans lequel elle te disait vouloir un
enfant, construire une famille avec toi. Je savais que tu couchais ailleurs et
je ne m’en suis pas plaint. Après toutes ces années c’est quelque part normal
que tu veuilles expérimenter autres choses. En tout cas cette fille est devenue
une plaisanterie qui s’est prise trop au sérieux et tu l’as laissé faire. De plus
tu es devenu violent. J’ai également lu le mépris et le dégout dans ton regard
posé sur moi….
J’ai pensé à
payer un de ces badauds qui nettoient les voitures dans les rues pour te
tuer. L’insécurité est en hausse mais le risque était énorme… s’il tuait quelqu’un
d’autre ? S’il me dénonçait ? Quand tu m’enrageais, j’ai pensé te tirer
une balle en pleine tronche. Le hic, je n’avais pas d’arme à feu. J’ai pensé à
t’égorger avec un morceau de verre ou un couteau pour que ça fasse
« crime passionnel ». C’est peu probable physiquement et je
souillerais ma vaisselle et mes meubles avec ton sang. En plus, j’irais
surement en prison. Nos enfants ne méritent pas ça et moi non plus d’ailleurs.
Une mort
ressemblant à une ACV serait parfaite. Ces jours-ci tout le monde est stressé.
Tu passerais facilement dans la foulée. J’ai été dans la boutique de cette
mambo à la Croix des Bossales. Je m’étais accoutrée comme jamais auparavant
pour te chercher un “Pa tann te”. L’insalubrité a augmenté mais l’emplacement
des boutiques même après le tremblement de terre n’a pas changé. Je n’ai pas
fréquenté ces lieux depuis la fameuse « Opération Bagdad » de 2005.
Je ne suis pas connaisseur en magie noire mais cette potion, j’en ai
entendu parler par les ainés depuis ma plus tendre enfance et j’ai trouvé que
sa réputation pourrait garantir une fin sûre et efficace à mon plan….
J’en ai mis
dans le verre de whisky que tu bois chaque soir. C’est ainsi que j’ai procédé,
on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Tu doutes encore de ma décision?
Laisse-moi t’expliquer encore j’ai vraiment fait le tour de la question. En
premier lieu, économiquement un divorce serait trop couteux, après nous être
fait dépouiller par les avocats on devrait séparer nos biens, j’ai travaillé
trop dur pour laisser une parvenue jouir de mes avoirs. En second lieu
sentimentalement et familialement les enfants garderont de bons souvenirs de
toi. Je pourrai redorer ton blason et te faire paraître comme souhaité, un bon
mari et un bon père. La dernière et la plus importante, socialement c’est là
que je me sens vraiment concernée. Une veuve sera toujours mieux vue qu’une
divorcée à moins que son mari ne soit mort d’une MST. Je nous évite donc des
explications qui pourront être détournés. Devenir le sujet phare des commérages
ne m’enchante guère. Non, je n’ai pas envie que tu traines mon nom et celui de
la famille davantage dans la boue.
Tu vois j’ai
gardé mon mot devant Dieu et devant les hommes “…jusqu’à ce que la mort nous
sépare”.
Tu étais
devenu trop cher d’entretien comme cette petite voiture que j’avais reçu neuve
de mon père qui au fil des années restait plus avec le mécano que moi. Tu étais
devenu ce membre cancéreux qui même après l’amputation et la chimio persistait
à ronger le corps. Il y en avait marre !
Frédérick
sourit, tu fais une mine d’enterrement. Ah ah, mon sens de l’humour me
surprendra toujours. Je ne veux pas avoir à te parler à haute voix pour que tu
me comprennes. Grrr, Quel gâchis ! Tu agis comme un enfant gâté, tout ce que je
te conseille tu le refuses. Tu ne vois pas que je suis en peine et que je sèche
mes larmes ? Rien à changer, tu es imperméable à ma douleur. Tu veux savoir si
j’ai les mêmes sentiments pour toi ? Je t’aime et je t’aimerai toujours mais je
me préfère à toi. Mon cœur m’a trop longtemps bercé, j’ai laissé ma tête
prendre le dessus, elle est meilleure gestionnaire de mon avenir. Comment tu
penses que j’allais réagir après ta gifle quand je t’ai demandé des
explications sur nos économies que tu dilapidais ?
Tu vas me
manquer, tu ne me crois pas ? On a eu plein de bons souvenirs ensemble. Le sexe
avec toi c’était parfait. Tu étais un superbe amant, entre nous je doute qu’un
homme puisse me satisfaire comme tu l’as fait quoique ces derniers temps les
séances se faisaient rares et tes performances laissaient à désirer. Dommage,
le sexe ne guérit pas tout. Il est le pansement dont j’ai trop longtemps abusé.
C’est pour les
enfants que tu fais du souci? Ne t’inquiète pas, ils seront aimés et bien
élevés. Je pourvoirai à leurs besoins. Je ne compte pas me remarier… Enfin, on
ne sait jamais mais si toutefois la même erreur se produit, je saurai comment
la corriger…
Un dernier
baiser mon amour avant que l’on ferme ton cercueil. Vas, que ton âme repose en
paix !
Crédit: Fodlyne "Lou" André Rejouis
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