vendredi 18 novembre 2016

Haïti/Rétrospectives : Carte blanche pour la fessée.

Claude Dambreville
Dans le temps, il était courant de voir les parents d'enfants trop turbulents se rendre chez leurs voisins immédiats, pour leur donner pleins pouvoirs momentanément.

-Voisins, nous allons sortir dans un instant, et nous serons de retour dans deux ou trois heures. Mariette (la bonne) a de la poigne, il est vrai, mais au cas où elle serait dépassée par les agitations des gosses, nous lui avons recommandé de vous appeler à l'aide immédiatement. Vous avez donc carte blanche, et surtout, n'hésitez pas à donner la fessée, si les circonstances l'exigent.

-Ne vous inquiétez pas. S'il en est besoin, nous ferons certainement le nécessaire.

On a du mal à concevoir que des parents aient pu jadis donner une telle procuration à leurs voisins. Mais, à l'époque, ce comportement était consécutif à un dicton populaire que les habitants d'un quartier ou d'une rue, suivaient tout normalement : "Les voisins sont comme des membres de votre famille". (Vwazinaj se fanmi).

Ayant laissé Haïti depuis près de vingt ans, je ne saurais vous dire si cette politique de bon voisinage est restée intacte, quoique, dans le fond, elle n'ait jamais été observée avec la même détermination dans toutes les couches sociales. Cependant, ce dont je suis certain, c'est que le populaire dicton "vwazen se fanmi" n'est pas du tout transposable dans le milieu américain où je vis actuellement : non seulement les voisins ne se connaissent pas toujours, mais encore, si un tenant d'appartement percevait un tapage d'enfants dérangeant et insistant dans son entourage, il s'en remettrait bien vite à la police. Par ailleurs, relativement aux fessées, les parents n'y ont pas recours à la légère, à cause des règles restrictives qui réglementent les châtiments corporels dans certains Etats. Qui plus est, il faut s'attendre à ce qu'un enfant battu sauvagement appelle sans tarder le "911" à son secours. ( Le 911 ou nine one one est le numéro d'appel d'urgence nord-américain).

A propos, tout récemment, j'ai rencontré dans un magasin de Miami un compatriote de trente ans qui, probablement, est nouveau dans le pays, et pense peut-être ( à tort ) que, chez l'Oncle Sam, on peut impunément rudoyer les enfants. Ce corpulent gaillard bousculait une frêle fillette de huit ans qui l'accompagnait. La petite était souffreteuse, et avait les jambes grêles. Son buste était concave, ce qui faisait ressortir en avant ses deux épaules osseuses, et lui donnait un port d'enfant "coffrée" (déformée par une luxation). De temps en temps, l'homme la poussait devant lui, d'une vigoureuse bourrade, sous prétexte sans doute qu'elle ne marchait pas assez vite. Ce pitoyable souffre-douleur n'est sûrement pas la fille de cet abominable bourreau d'enfant qui, j'en ai la certitude, doit traiter son chihuahua avec infiniment plus de douceur.



 Crédit : Claude Dambreville

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