Claude Dambreville |
Dans le temps, il était courant de voir les parents
d'enfants trop turbulents se rendre chez leurs voisins immédiats, pour leur
donner pleins pouvoirs momentanément.
-Voisins, nous allons sortir dans un instant, et nous serons
de retour dans deux ou trois heures. Mariette (la bonne) a de la poigne, il est
vrai, mais au cas où elle serait dépassée par les agitations des gosses, nous
lui avons recommandé de vous appeler à l'aide immédiatement. Vous avez donc
carte blanche, et surtout, n'hésitez pas à donner la fessée, si les
circonstances l'exigent.
-Ne vous inquiétez pas. S'il en est besoin, nous ferons
certainement le nécessaire.
On a du mal à concevoir que des parents aient pu jadis
donner une telle procuration à leurs voisins. Mais, à l'époque, ce comportement
était consécutif à un dicton populaire que les habitants d'un quartier ou d'une
rue, suivaient tout normalement : "Les voisins sont comme des membres de
votre famille". (Vwazinaj se fanmi).
Ayant laissé Haïti depuis près de vingt ans, je ne saurais
vous dire si cette politique de bon voisinage est restée intacte, quoique, dans
le fond, elle n'ait jamais été observée avec la même détermination dans toutes
les couches sociales. Cependant, ce dont je suis certain, c'est que le
populaire dicton "vwazen se fanmi" n'est pas du tout transposable
dans le milieu américain où je vis actuellement : non seulement les voisins ne
se connaissent pas toujours, mais encore, si un tenant d'appartement percevait
un tapage d'enfants dérangeant et insistant dans son entourage, il s'en
remettrait bien vite à la police. Par ailleurs, relativement aux fessées, les
parents n'y ont pas recours à la légère, à cause des règles restrictives qui
réglementent les châtiments corporels dans certains Etats. Qui plus est, il
faut s'attendre à ce qu'un enfant battu sauvagement appelle sans tarder le
"911" à son secours. ( Le 911 ou nine one one est le numéro d'appel
d'urgence nord-américain).
A propos, tout récemment, j'ai rencontré dans un magasin de
Miami un compatriote de trente ans qui, probablement, est nouveau dans le pays,
et pense peut-être ( à tort ) que, chez l'Oncle Sam, on peut impunément rudoyer
les enfants. Ce corpulent gaillard bousculait une frêle fillette de huit ans
qui l'accompagnait. La petite était souffreteuse, et avait les jambes grêles.
Son buste était concave, ce qui faisait ressortir en avant ses deux épaules
osseuses, et lui donnait un port d'enfant "coffrée" (déformée par une
luxation). De temps en temps, l'homme la poussait devant lui, d'une vigoureuse
bourrade, sous prétexte sans doute qu'elle ne marchait pas assez vite. Ce
pitoyable souffre-douleur n'est sûrement pas la fille de cet abominable
bourreau d'enfant qui, j'en ai la certitude, doit traiter son chihuahua avec
infiniment plus de douceur.
Crédit : Claude
Dambreville
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