mardi 13 décembre 2016

Haïti/Éducation : De l’accès à l‘éducation au baccalauréat, Je connais un père indigne…

Madeleine Bégon Fawcett
Madeleine Bégon Fawcett est une Éducatrice de carrière, elle intervient en Haïti depuis 25 ans auprès des jeunes et des familles. Actuellement, elle est Présidente- Fondatrice des « Canado-Haïtiens debout pour Haiti (CanHadHa Debout) Voix Sans Frontières », organisation fédérale canadienne.
Mme. Bégon Fawcett est également la fondatrice et Directrice Générale de l’École Canado-Haïtienne.
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1/5 sur les maux de l’éducation en Haiti : De l’accès à l‘éducation au BACCALAURÉAT…


JE CONNAIS UN PÈRE INDIGNE…


Connaissez-vous un père indigne qui, n'ayant pas de place dans sa propre maison, punit ses enfants d'aller trouver abri ailleurs? Eh bien, devinez? J’en connais un. C'est l'État haitien en TOUTES MATIÈRES, relativement aux services essentiels à offrir aux citoyens, droits au minimum vital, santé, sécurité, alimentation, spécifiquement le droit à l’Éducation.

Seulement entre 15 et 18% des écoles sont publiques, de la maternelle à l'Université (POSTSECONDAIRE). Ce qui suppose que 85% des enfants du pays sont pris en charge par leurs parents, en totale contradiction avec l'article 32 de la Constitution du pays, qui fait de l'éducation gratuite et obligatoire, du moins jusqu'à la fin du secondaire, une charge de l’État.

Ce n'est pas la faute de l'État si tu choisis un établissement privé! Et Vlan! Pas de subvention, sauf pour les écoles congréganistes, grâce soit rendue au Concordat de 1860 et quelques privilégiés bien branchés au MENFP; pas d'uniforme, ni de cantine scolaire pour les fugitifs, les enfants du secteur non-public N’ONT AUCUN BESOIN ET SURTOUT, ILS N’ONT PAS FAIM. Ton enfant ne trouve pas de place dans une école publique? Ben, tant pis pour toi! Pourquoi? Ben...parce que tu es allé voir ailleurs, c'est de TA FAUTE si ton enfant ne fréquente pas une école publique OÙ IL N'Y A PAS DE PLACE POUR LUI! Bienvenu dans le système éducatif TÈT ANBA haitien!

Ainsi, il existe des milliers d'enfants qui fréquentent le système scolaire parallèle, pendant les seize années de scolarité, de la maternelle jusqu'à la fin du secondaire, sans que l'État n'ait versé un seul centime pour leur formation. Rien d’étonnant car, certains citoyens naissent et meurent sans que l’État n’ait jamais eu connaissance de leur passage sur le territoire! Le seul et unique contact que le Ministère de l'Éducation entretient avec certaines écoles, c'est au moment de l'achat de la fiche portant le numéro d'ordre qui donne droit d'inscription aux fameux examens d'État! Tous les enfants qui ont la malchance ou dont les parents ont commis lenpètinans de fréquenter une des 85% des écoles non-publiques, hormis les écoles congréganistes, deviennent automatiquement des enfants ILLÉGITIMES DE L’État haitien, qui leur dénie le droit à toute assistance ou presque en matière d’éducation.

Ai-je parlé d'EXAMENS D'ÉTAT? Seigneur pitié!

En réalité, il s'agit de la plus grande arnaque de toute l'histoire de l'éducation en Haiti. L'organisation même de ces fameux examens est une insulte à l'intelligence du citoyen moyen. C'est en fait UNE ACTIVITÉ QUI RÉPOND À 2 attentes...la première, c'est une période (de récolte budgétisée) pour tous les magouilleurs du système. Une occasion de s'en mettre plein les poches (directeurs d'écoles qui inscrivent un nombre astronomique de candidats (jusqu’à 800 pour une seule classe) moyennant paiement en complicité avec des inspecteurs véreux; des surveillants qui rançonnent les enfants en pleine salle d'examens, afin de leur laisser le choix entre l'anglais ou l'espagnol, les correcteurs qui vont consciemment faire leur travail routinier tout en sachant que 100, 000 jeunes DEVRONT FORCÉMENT ÉCHOUER....On croirait à une entente macabre entre ces sbires et l'État lui-même. La seconde attente c'est l'incapacité de l'État d'absorber dans un cadre défini et légal, tous les candidats au terme de leur cycle secondaire vers le niveau supérieur.

Et si PAR MALHEUR ILS RÉUSSISSAIENT! Qu'en ferait-on? À tout péché miséricorde, à tout problème il y a une solution : il faut qu’ils échouent!

Les quelques facultés de l'Université d'État ne sauraient les accueillir. Alors, le baccalauréat constitue un premier tamisage....aux frais des parents bien sûr. Grâce à Matthew, le titulaire du Nonministère de l’INéducation MULTInationale a rebroussé chemin sur sa décision d’augmenter les frais d’inscription aux deux tamisages nationaux : la neuvième année et la philo ou secondaire 4 on ne plus comment l’appeler… À travers ces deux opérations, on en élimine un MAXIMUM dès le premier tour du soi-disant baccalauréat. Et d'où proviennent-ils ces génocidés du système? Mais, de ces milliers d'écoles auxquelles l'État tourne le dos, POUR AVOIR ACCUEILLI DES PARENTS REBELLES ayant osé passer outre des écoles publiques qui n'EXISTENT PAS! Par ici l’incohérence et l’injustice, pierre angulaire du NONsystème éducatif haitien. L’État ne peut les accueillir mais les punit d’aller ailleurs. INJUSTICE est son nom.

Simplifions la chose, première opération champwèl au mois de juillet…100, 000 têtes vont tomber bon an mal an. À vos marques, prêts, stressez chers parents!

La mascarade consommée, on publie les résultats en grandes pompes à coups de conférences de presse où chaque cadre concerné vient faire son petit numéro…Et bonne nouvelle, ce n’est pas grave pour ceux qui ont échoué! Il y aura une reprise à la fin août pour se donner bonne conscience et sauver la face. Ils ont même inventé le bacc permanent en lieu et place de l’éducation continue! Mais on sait déjà comment ça va finir, tout le monde a déjà vu ce film-là.

Second tour officiel de la mascarade, on en rescape quelques centaines, qui en fait auraient pu l’être dès juillet, ça aurait coûté moins cher…mais il faut brûler le budget…et faire rouler la machine : inspecteurs, surveillants, correcteurs, missions, per diem et tutti quanti. Et la purge annuelle PROGRAMMÉE n’est pas terminée. Tamisage numéro 2.

Deux semaines après la publication des examens  (comprenez opération branle-bas-de-combat), le MENFP qui n’avait rien foutu pour ces milliers d’enfants au cours des 16 dernières années s’érige en sanctionneur! Ce même monsieur L’État qui n’avait pas su accompagner les enfants du pays selon les prescrits constitutionnels, lance un avis d’inscription pour ces joyeux rescapés qui souhaitent trouver une des quelques centaines de places disponibles dans les quelques facultés de l’Université d’ÉTAT. La condition? Il faudra ENCORE PAYER DES FRAIS D’INSCRIPTION, PASSER UN AUTRE EXAMEN D’ADMISSION et éventuellement SE TROUVER UN PARRAIN OU UNE MARRAINE...contre paiement en espèces ou en nature. Donc, récapitulons : L’État qui n’a rien fourni comme assistance aux jeunes pendant 16 années de scolarité, VIENT JUSTE DE LEUR DIRE QU’ILS ONT RÉUSSI LES EXMANES DE FIN DE CYCLE DU SECONDAIRE…mais, mais, pas trop vite, ils ne sont PAS ENCORE QUALIFIÉS pour accéder au niveau supérieur DANS LES UNIVERSITÉS de ce même l’ÉTAT. Il faut REPAYER DES FRAIS…et subir un troisième TAMISAGE…légal.

Imaginez qu’entre le TAMISAGE DU MOIS D’AOÛT, la publication des résultats et cette annonce OFFICIELLE des EXAMENS D’ADMISSION À L’UNIVERSITÉ (qui est en fait le niveau collégial, bon en Haiti rien n’est fait comme ailleurs) il se passe entre 2 et 4 semaines. Ce qui laisse la place à un nouveau et très lucratif marché : les PRÉ-FACs!

Alors que les jeunes finissants du secondaire s’inscrivent au Cégep dès le mois d’avril de l’année de leur graduation, ici nos jeunes sont retenus VOLONTAIREMENT PAR LES GESTIONNAIRES DU NONsystème. Imaginez qu’au Québec, on demandait aux jeunes gradués du secondaire 5 de passer un AUTRE EXAMEN pour accéder au Cégep! On nage en plein délire ici!

Cette industrie de la sous-traitance estudiantine a vu le jour lorsque deux ou trois intelligents y ont vu une opportunité de purger encore plus le citron des parents. En quoi consistent donc ces fameuses pré-facs? C’est un genre de marathon pendant lequel des enseignants du secondaire, en complicité avec encore des directeurs d’écoles insatiables, profitent de la naïveté des parents. Ils font ingurgiter par les jeunes des exercices tout faits, QUI ONT ÉTÉ DÈJÀ PROPOSÉS aux examens d’admission dans les universités! La paresse intellectuelle de nos gestionnaires et planificateurs du NONsystème de l’INéducation MULTInationale, appelés de leur nom de baptême des élaborateurs d’items (sic), étant notoire, à chaque année ils reprennent les thèmes et contenus d’il y a deux ans…

Pendant deux ou trois semaines, les jeunes se font ainsi gaver pour affronter la bête, l’examen entonnoir du MENFP, qui encore une fois, les attend au tournant pour un troisième TAMISAGE.  Seront EXTRAITES quelques centaines, en fonction de la très faible capacité d’absorption des structures éducatives postsecondaires de l’État. On ne peut pas les accueillir au niveau supérieur, alors, on trouve un bon prétexte pour les éliminer d’avance! Ces arnaqueurs des préfacs se sont même attaqué aux élèves de neuvième année, en leur proposant des séminaires pré-examens d’État qui sont en fait, une vaste opération de recrutement de nouveaux élèves pour le secondaire, organisée dans l’indifférence totale du MENFP, s’il en est.

Mais qu’advient-il de la centaine de milliers qui n’ont pas pu passer au travers des trois passoires pour mériter d’une place à l’UEH? Ben, tant pis pour les parents! Ils vont devoir payer encore dans le privé! Quant aux échoués qui ont totalement échoué, c’est à recommencer une 17ème année de labeur et si possible une 20ème, jusqu’à ce que le jeune ait SA CHANCE ou qu’il trouve un visa ou un passeur vers le Chili. Et ceux-là peuvent se considérer chanceux parmi les chanceux de pouvoir dire qu’ils ont terminé leurs études secondaires, bien que cela ne signifie pas grand-chose, vu la piètre qualité de cette amalgame de contenus disparates appelée MENFP qui vomit des analphabètes à peine fonctionnels…C’est une tristesse de les entendre vous balancer en pleine face des : moi, je suis descendu la philo oui, l’année dernière, j’avais bon, mais mon ami n’était aucune chance!

L’État haitien, en éducation comme en diverses autres matières se comporte comme un père infanticide, génocidaire même. Chaque année, des milliers de jeunes sont sacrifiés sur l’autel du baccalauréat dans l’indifférence la plus totale. Personne ne se soucie de ce qu’ils deviennent après ce massacre annuel qui a lieu depuis ces trente dernières années. Tant vaut l’école, tant vaut la nation répétons-nous, avec cette désinvolture d’intellectuels cyniques. Des mots qui trouvent écho dans le vide existentiel de nos consciences endormies.

L’Éducation est le socle sur lequel se construit toute société planifiée, organisée et désireuse d’assurer sa survie. On n’aura malheureusement pas compris que la culture, l’intellect haïtien se meurt. Le niveau de l’éducation a tellement baissé au cours des 30 dernières années que même nos jeunes se sentent abandonnés. À défaut de trouver une réponse à leur désespoir, ils se livrent à toutes sortes d’activités incompatibles avec leur âge, l’alcool, la drogue, la délinquance sexuelle systémique etc. Et nous avons l’audace de les juger.

Est-ce que ça dérange? Qui ça dérange? Certainement pas l’État haïtien démissionnaire.



Crédit : Crédit : Madeleine Bégon Fawcett

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