René Dépestre
L’objectif
principal de «DIASPORAMA-HAITI » et de «CANAL+HAÏTI » est de chercher
et faire l’inventaire des valeurs haïtiennes dispersées aux quatre coins
de notre planète. Cette quête de modèles devrait servir de boussole à
la jeunesse, tant d’Haïti que de la Diaspora, qui a tendance à suivre et
s’identifier à certaines mauvaises graines qui évoluent autour d’elles
au plus haut niveau de la société. Les jeunes d’aujourd’hui devraient
savoir que la plupart des bons exemples sont là, qu’ils existent, mais
qu’ils restent trop à l’ écart. Nous, nous partons à leur rencontre et
progressivement, nous les dénicherons et les présenterons au public, en
leur rendant un hommage digne de leur performance en tant
qu’ambassadeurs et ambassadrices de la première République Noire
Indépendante du monde.
Aujourd’hui, nous sommes fiers de vous
présenter Rose-Esther Guignard, une jeune femme de 28 ans qui vient du
fin fond d’Haïti et qui, à une vitesse vertigineuse, est entrain de
gravir, marche par marche, les échelons de la notoriété mondiale au plus
haut sommet.
A 13 ans, Mademoiselle Guignard laissa
ses parents biologiques de sa terre caribéenne pour se faire, malgré
elle, mais pour le meilleur, adopter par un orphelinat qui va se
constituer comme étant sa nouvelle famille ‘française’ : « … Je suis
arrivée en France à l’âge de 13 ans. .. En Mai 2013 cela fera ma 15ème
année en France. Nous vivions à Port-au-Prince. Ma mère avait peur pour
moi, elle rêvait de me faire adopter par un étranger pour me donner une
chance de réaliser un rêve. Je ne comprenais pas. (…)…Elle m’a dit : «
Va, vis et deviens!… » . Je ne voulais pas y aller, je pleurais
toutes les larmes de mon corps. Contre mon gré, elle m’a emmenée à
l’orphelinat. Au départ, je souffrais de l’absence de ma mère puis
j’ai fini par m’y habituer … »
« To make a long story short»,
après de brillantes études dans l’Hexagone, aujourd’hui, Rose-Esther
brille de mille feux, partout où elle passe. Chanteuse, danseuse,
diseuse, conteuse, comédienne et écrivaine, malgré un emploi du temps
surchargé, elle en consacre un petit peu à participer aux œuvres
sociales et humanitaires destinées à aider son pays d’origine «… Je
suis en relation avec deux associations : « Accueil et partages» et
«Ti’moun». Pour leurs fêtes, je vais souvent dire des contes, ou faire
des lectures des livres de Danny Laferrière, transmettre mes chansons
d’enfance et mes jeux chantés-dansés d’Haïti…»
Française d’origine haïtienne, l’auteure de «Thezin, le poisson amoureux » ne rate jamais une occasion de faire passer ses revendications en tant que citoyenne du pays de Jean-Baptiste Poquelin«
…J’ai le désir de faire du cinéma, je voudrais aussi participer à des
téléfilms. Je pense que ma participation peut apporter quelque-chose qui
manque encore trop au cinéma, à la télévision et particulièrement sur
les chaînes publiques : la vision de la France multiculturelle
d’aujourd’hui. En effet, dans la vie de tous les jours des jeunes, des
femmes, des hommes, des enfants de toutes origines se croisent,
échangent, travaillent, s’amusent ensemble: la télévision ne le montre
pas assez.
Pourquoi n’y a-t-il pas de jeune
noire, ou maghrébine dans «Les Chansons D’amour», «L’Heure D’Été»,
«Douches Froides». Pourquoi n’ont-elles de rôle important que dans «La
Graine Et Le Mulet ».
Je suis une de ces jeunes
françaises d’aujourd’hui, mon rêve est de devenir actrice et je pense
qu’aujourd’hui, la couleur de peau ne devrait pas empêcher une jeune
fille comme moi de jouer n’importe quel rôle de jeune fille de notre
époque»
Cependant, le sang haïtien coule à flots dans les veines de la détentrice, en 2008, du «Prix de la Meilleure Œuvre Originale aux 12ème Rencontre du Jeune Théâtre à Savigny-sur-Orge (France) »… : «
… Je me sens fière de mes origines, ce petit pays toujours en lutte
pour s’en sortir(…). Je pense que pour tout haïtien c’est important de
pouvoir être fier de ses origines. Aujourd’hui je suis Franco-Haïtienne
mais mes racines sont en Haïti… »
Depuis son grand voyage vers l’inconnu,
elle revient souvent en Haïti. Concernant son retour définitif aux
pays de ses ancêtres, l’auteure d’« Elma Et l’Oranger Magique », reste très diplomate, réaliste et clairvoyante; compte-tenu de la conjoncture, son cœur balance. «…
Je me souviens de cette phrase de maman haïtienne: «Tu ne peux y
rester, ta carrière commence en France, tu peux passer 6 mois en France,
6 mois en Haïti mais tu ne peux pas revenir définitivement».
Franco-Haïtienne, j’ai deux familles: une française et l’autre
haïtienne. J’ai dédié mon premier livre « Tézin, le poisson amoureux » à
mes deux familles que j’aime autant l’une que l’autre. Pas de
différence. Mais j’aimerais réaliser des projets avec mes compatriotes.»
Marie José Perec |
Tant de talents gâchés en
Haïti, à cause de l’absence totale d’encadrements et d’infrastructures
adéquates pour l’épanouissement des jeunes du terroir. Dans son pays
d’accueil, Rose-Esther Guignard, pourrait tout faire, elle aurait pu
devenir une grande championne d’athlétisme, par exemple, tant les
opportunités étaient à sa portée. « …Au collège, j’ai participé au Championnat de France d’athlétisme. Mes professeurs de sports m’appelaient «Marie José Perec II »
(…) tout en essayant de me convaincre de faire de la compétition. J’ai
aussi fait de la gymnastique, de la danse moderne jazz et du hip hop, de
l’expression corporelle, de la danse contemporaine et du chant
lyrique». Femme épanouie, elle se trouve dans son élément, là où elle
réside actuellement, entre terre, ciel, rêve et réalité. «… Je voyage
entre le conte et le théâtre… »
Cette jeune femme pleine de promesses, de talents et qui fait honneur à Haïti, mérite d’être adulée, elle sert de modèle à la jeunesse d’aujourd’hui et de demain. A l’instar de Yanick Etienne, Rose-Esther doit être encouragée, vénérée et honorée, pour tout ce qu’elle fait et qu’elle va continuer à accomplir pour et au nom du Peuple Haïtien. A un moment où il y a carence et déficit de valeurs visibles, à un moment où les principes moraux s’effritent, Mademoiselle Guignard consacre sa vie à travailler pour le bien-être des enfants du monde, elle est devenue citoyenne du monde. Elle a beaucoup à nous dire, dans cette entrevue exclusive accordée pour la première fois à un média haïtien.
INTERVIEW !
DIASPORAMA-HAITI.- Rose-Esther Guignard, depuis quand, pour quels motifs et dans quelle(s) condition(s) avez-vous laissé votre pays d’origine pour vous établir définitivement dans l’Hexagone?
Rose-Esther Guignard.-
Je suis arrivée en France à l’âge de 13 ans. Ma petite sœur, Astaline
avait été adoptée deux ans plus tôt, à l’âge de 8 ans et demi et j’étais
heureuse de la rejoindre. En Mai 2013 cela fera ma 15 ème année en
France. Nous vivions à Port-au-Prince. Ma mère avait peur pour moi, elle
rêvait de me faire adopter par un étranger pour me donner une chance
de réaliser un rêve. Je ne comprenais pas. J’étais bien avec mes
frères et sœurs et surtout auprès de maman. Elle m’a dit : « vas, vis et
deviens ! Étudie, quand tu auras les moyens tu pourras revenir me voir
». Je ne voulais pas y aller, je pleurais toutes les larmes de mon
corps. Contre mon gré, elle m’a emmenée à l’orphelinat. Au départ, je
souffrais de l’absence de ma mère puis j’ai fini par m’y habituer. Je
suis devenue la préférée de la sœur responsable que je considérais
comme une seconde mère.
J’avais 13 ans et demi, l’année où je
suis arrivée en France, en 1998 et j’ai commencé à faire du théâtre. Je
suis partie un mois à Saint-Rémy de Provence, c’était pendant la période
du Festival d’Avignon. J’ai découvert le théâtre et le cinéma en plein
air. Le premier film que j’ai vu c’était « Dis- moi que je rêve » de
Claude Mouriéras ». A la fin d’une pièce de théâtre que je venais de
voir, je suis montée sur scène. J’ai commencé à jouer la comédie et à
danser. C’est à partir de là que j’ai voulu en faire mon métier.
DIASPORAMA-HAITI.- De quelle zone (d’Haïti section communale, quartier, bourg, ville) viens-tu?Rose-Esther Guignard.- Croix des Bouquets !
DIASPORAMA-HAITI.- Parlez-nous un peu de votre famille biologique…
Rose-Esther Guignard.-
Je suis issue d’une famille nombreuse. Mon père était prêtre d’un
panthéon vaudou (NDLR : Houmfort). C’était un Hougan. Ma mère est
commerçante. Je vivais avec mes frères et sœurs dans une petite maison
où coule une rivière. Je suis la quatrième d’une famille de 6. Nous
sommes deux en France et 4 en Haïti. J’ai passé une enfance merveilleuse
auprès de ma famille et j’étais très proche de maman. Mes deux grandes
sœurs et mon grand frère étaient mes modèles.
Rose-Esther Guignard.-
Ma maman adoptive est née le 30 Novembre 1947, elle est célibataire de
nationalité française. L’adoptante étai directrice d’une école
maternelle de 5 classes et institutrice d’une classe. Elle est dynamique
dans son métier, toujours à l’écoute des enfants, sensible à leurs
difficultés sociales, scolaires et à leur avenir. Elle a toujours pensé
qu’il est très important que les enfants, dès le plus jeune âge,
rencontrent les artiste au plus haut niveau. Ma mère habite à
Vernouillet, une ville proche de Paris.
J’ai une maman extraordinaire. La meilleure maman qu’on peut trouver dans ce monde.
La première fois que nous nous sommes
rencontrées, à l’aéroport, maman m’a attrapé très délicatement, je me
serrais très fort dans ses bras, elle m’embrassait tendrement. Un câlin à
n’en plus finir. Ses mains sur mes joues, sur mes pommettes, sur mon
visage, des bisous quelle sensation de chaleur, de froid, des frissons.
Je n’avais jamais eu autant d’attention dans la vie.
DIASPORAMA-HAITI.- Pouvez-vous nous parler un peu de vos activités professionnelles et universitaires?
Rose-Esther Guignard.-
En ce moment, je voyage entre le conte et le théâtre. J’ai intégré
l’Atelier Fahrenheit 451 en septembre 2012, au Conservatoire
Contemporain de Littérature Orale à Vendôme en tant que conteuse
professionnelle. J’ai passé 4 ans au Conservatoire d’Art Dramatique Erik
Satie à Paris. J’ai inspiré Jacques Bruyas qui m’a dédié « Abobo »,
une longue mélopée écrite sur et pour Haïti, que j’interpréterai sur
les planches en 2013. Depuis que mon premier livre est sorti chez
l’Harmattan aux « Editions des quatre vents », les projets avancent
plus, entre dédicaces et spectacles…
Rose-Esther Guignard.-
Dany Laferrière. Quand j’ai découvert son livre « l’odeur du café »,
j’ai été très touchée par sa façon d’écrire d’une part et par la force
de son écriture : je buvais et goutais ses mots, je sentais les odeurs,
la chaleur d’Haïti. Sa grand-mère me rappelais la mienne. J’ai voulu
lire tous ses livres et j’ai eu le plaisir de le rencontrer à différents
évènements.
DIASPORAMA-HAITI.- Quels genres de rapports entretenez-vous avec notre Mimi Barthélemy internationale? A-t-elle joué un rôle-clé dans ta carrière artistique?
Rose-Esther Guignard.- Mimi est une femme que j’admire beaucoup. J’admire sa force, son enthousiasme et sa capacité de donner du bonheur autour d’elle.
Elle m’a aidé à trouver ma place dans le
monde. Quand je lui ai parlé de mon accent qui me posait problème, elle
m’a dit : Qu’est-ce que c’est que ces bêtises ? Aujourd’hui, dis-toi
que tu es black, franco-haïtienne. Met toi en plein milieu, prend des
bonnes choses de chaque côté et fais en quelque chose. Et surtout
n’arrête pas d’écrire.
Je ne la remercierai jamais assez pour sa générosité.
DIASPORAMA-HAITI.- Quelle relation développez-vous avec la communauté haïtienne de l’endroit où vous vivez?
Rose-Esther Guignard.-
Je suis en collaboration avec plusieurs associations en faveur d’Haïti.
Cette année, en Janvier 2013, j’étais invitée aux 10 ans de la PAFHA
à la Mairie de Paris 18éme pour faire une vente-dédicace de mon livre
« Tézin, le poisson amoureux ». Les personnes étaient très intéressées
notamment par les images et la version français/créole-haïtien et
certains étaient même surpris. Depuis mon arrivée en France, je suis en
relation avec deux associations : « Accueil et partages » et
« Ti’moun ». Pour leurs fêtes, je vais souvent dire des contes, ou faire
des lectures des livres de Danny Laferrière, transmettre mes chansons
d’enfance et mes jeux chantés-dansés d’Haïti. La plupart des personnes
ne les connaissent pas et sont très heureuses de découvrir Haïti
autrement que par les informations qu’on a à la télé.
DIASPORAMA-HAITI.-
Existe-t-il des associations pouvant défendre les intérêts des haïtiens
là où vous êtes, si oui, en bref, quelles sont-elles, que font-elles de
concret dans la communauté?
Rose-Esther Guignard.- « Ti’moun » œuvre pour des parrainages, le Comité Drouais tente d’aider des agriculteurs à exploiter leurs terres.
DIASPORAMA-HAITI.- Parlez-nous un peu de votre carrière de comédienne et de conteuse, parlez-nous un peu de vos débuts?
Rose-Esther Guignard.- A la rentrée scolaire 98, ma mère française m’a inscrite au Cercle Laïque de Dreux avec Jean-Pierre Dubreuil
et j’ai fait du théâtre pendant 7 ans dans une troupe de jeunes, J’ai
aussi travaillé 1 an avec Jonathan Dos Santos qui à été élève au
Conservatoire de Théâtre du Centre de Paris. En même temps, je faisais
de la danse et même une année de chant lyrique. J’ai eu de l’aide pour
préparer mes concours d’entrée au conservatoire de théâtre par Florence
Barikosky, Jean-Pierre Dubreuil et Jonathan Dos Santos.
J’ai du
travailler très dur. D’une part, la première fois que j’ai passé mes
concours de théâtre, dans un des conservatoires on m’a dit : « Mademoiselle, on ne vous comprend pas quand vous parlez. Il faudra faire une école spécialisée, revenez l’année prochaine ». Où encore « vous avez tout ce qu’il vous faut mais travaillez votre diction et revenez l’année prochaine ».
J’ai été sélectionnée à un concours pour
représenter la Région Centre au 60éme Festival de Cannes 2007. J’étais
invitée par le Ministère de la Jeunesse et des Sports pour le 26éme Prix
de la Jeunesse. Ça n’a pas été simple. Pour être sélectionnée, j’ai
écrit une lettre de motivation, ainsi qu’un texte de quatre pages, sous
forme d’un dialogue, exprimant mon rapport au cinéma et aux films, à
travers le thème de la lumière.
Ensuite, j’ai eu deux prix pour ma
création Tézin aux Deuxième Pressions de la scène à l’Atelier à
spectacle de Vernouillet : Le coup de cœur de la FNAC : 200 euros en bon
d’achat et Le coup de pouce de l’Atelier : 2 jours de résidence
artistique. Tezin est un conte populaire traditionnel qu’on me racontait
lorsque j’étais enfant en Haïti. A partir de ma mémoire, j’ai d’abord
écrit le texte avant de l’apprendre et de le mettre en scène…C’est
l’histoire de Mélina qui rencontre le poisson Tézin en allant puiser de
l’eau à la rivière…
En Octobre 2007, j’ai réussi mon entrée
au Conservatoire du 7éme arrondissement à Paris. Mon professeur de
théâtre Daniel Berlioux m’a donné ma chance. Il m’a dit qu’il n’y avait
pas de cours de diction dans ce conservatoire mais que si j’étais prête
à travailler de mon côté, il était prêt à travailler avec moi. J’ai du
faire plus, plusieurs années d’orthophonie pour travailler ma diction.
Je me suis battue ! Car, excepté pour les rôles « ethniques », il n’y a
pas de place pour les acteurs de type africain dans le monde du cinéma
et du théâtre en France. C’est dommage que les réalisateurs ne prennent
pas en compte que nous vivons comme tout le monde en France et que nous
pourrions tout aussi bien avoir un premier ou second rôle dans une
comédie, un drame ou un thriller. Mais je sais que ça arrivera un jour,
ça commence un peu dans les polars à la télé. Il faut être patient.
En 2008, j’ai mon troisième prix pour
ce même conte : Prix de la Meilleure Œuvre Originale aux 12éme
Rencontres du Jeune Théâtre à Savigny-sur-Orge. En avril 2008. J’ai joué
sur la scène du célèbre théâtre Marigny à Paris, avec ma classe d’art
dramatique.
En 2011, j’ai écrit : « Elma et
l’Oranger Magique » pour pouvoir le partager et le diffuser autour de
moi. Il a obtenu le prix de La meilleure Œuvre Originale aux 16éme
Rencontres du Jeune Théâtre (avec le soutien de la SACD) à
Savigny-sur-Orge en 2012. Ce spectacle a été réalisé dans le cadre des
Projets Initiative Jeunes – Service de la Jeunesse, des Sports et de la
vie associative d’Eure-et-Loir – Caisse d’Allocations Familiale
d’Eure-et-Loir. Il est soutenu par la Ville de Vernouillet et le
Cercle Laïque de Dreux en 2012.
J’ai été interviewée en mars 2012 par
Brigitte Patient dans l’émission « Un jour tout neuf, venus d’ailleurs »
sur France Inter.
Le
même mois, « Alphonse le chauffeur », une histoire que j’ai écrite, a
été lauréate du concours «La Farandole des histoires» dans le cadre de
la semaine de la langue française et de la francophonie. Je l’ai
racontée à la grande nuit où « Tout le monde raconte! » pendant le
festival EPOS 2012.
En mai, j’ai joué deux pièces de Jean
Durossier Desrivières « Magadala » et « Marques Déposées » avec la
«Compagnie de la Gare» de Vitry-sur-Seine, au Festival de l’Oh, organisé
par le Conseil Général de Seine-Saint-Denis.
Puis, j’ai été invitée aux journées
mondiales de l’Afrique le 25 mai 2012 qui marquaient l’entrée d’Haïti au
sein de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA). J’y ai joué mes
contes, lu des extraits de poèmes et présenté l’hymne de l’union
africaine lors de la soirée de gala à l’Hôtel de ville de Lyon.
DIASPORAMA-HAITI.- Qu’est-ce que vous appréciez chez les français et que vous aimeriez retrouver chez les haïtiens?
Rose-Esther Guignard.-
L’école laïque, gratuite et obligatoire pour les tous enfants d’Haïti.
Investir dans l’éducation des jeunes, c’est investir dans l’avenir du
pays.
DIASPORAMA-HAITI.- Quels genres de difficultés rencontrez-vous en France?
Rose-Esther Guignard.- Je ne rencontre pas plus de difficultés particulières que les jeunes qui sont nés ici.
DIASPORAMA-HAITI.- En ce moment, comment sont vos rapports avec la terre de vos ancêtres ?
Rose-Esther Guignard.-
Je suis revenue en Haïti en 2009, après 11 ans d’absence. Depuis, ma
terre natale me manque encore plus. Je me suis battue pendant trois
années pour faire venir ma maman haïtienne et lui faire visiter la
France. Elle est venue l’été dernier pour trois mois avec moi. Je porte
Haïti dans ma chair et dans mon âme. Un jour un ami m’a offert une
chaine avec la carte d’Haïti que je ne l’enlève pratiquement jamais,
j’ai besoin de sentir Haïti. J’aimerais y revenir, mettre de nouveau mes
pieds sur ma terre natale, revoir ma famille, mes amis…
DIASPORAMA-HAITI.- Quels genres de support apportez-vous, à votre pays d’origine ?
Rose-Esther Guignard.-
Je suis comédienne-conteuse, Je me suis lancée dans les contes en 2007
avant mon entrée au conservatoire de théâtre. Partout où je passe, je
parle de mon pays, de ma patrie. Les personnes que j’ai rencontrées sont
très intéressées par Haïti et ma détermination. Je suis intervenue dans
des bibliothèques, médiathèques, IUFM, centres de loisirs, écoles,
salles de spectacles et festivals avec mes contes traditionnels
haïtiens. Je partage et essaye de diffuser largement cette richesse.
Haïti est un petit pays mais très riche culturellement.
DIASPORAMA-HAITI.-
Après tant d’années vécues en France, aimeriez-vous retourner vous
établir définitivement en Haïti ? Si oui, sous quelles conditions ?
Sinon, pourquoi ?
Rose-Esther Guignard.-
Non, je me souviens de cette phrase de maman haïtienne «Tu ne peux y
rester, ta carrière commence en France, tu peux passer 6 mois en France,
6 mois en Haïti mais pas revenir définitivement ». Franco-Haïtienne,
j’ai deux familles : une française et l’autre haïtienne. J’ai dédié mon
premier livre « Tézin, le poisson amoureux » à mes deux
familles que j’aime autant l’une que l’autre. Pas de différence. Mais
j’aimerais réaliser des projets avec mes compatriotes.
DIASPORAMA-HAITI.- Parlez-nous un peu de vos bons et mauvais souvenirs d’Haïti ?
Rose-Esther Guignard.-
Je ne me rappelle pas de mauvais souvenirs à part le jour de mon départ
pour la France mais c’était une chance pour moi en fin de compte.
J’étais une jeune très heureuse. J’aimais l’école.
« Ce matin, je me réveille très tôt
pour la coiffure avec des rubans, boules-gogo et j’avale un sacré petit
déjeuner. Mon préféré c’est une bouillie d’avoine bien chaude qui coule
dans ma petite gorge. Puis habillage et je suis très fière de prendre
la route à côté de toi, mon grand-frère qui retrouve tes copains en
chemin. Ils discutent des voitures, des jeunes filles. J’ouvre grand mes
oreilles et écoute attentivement la moindre de leurs paroles et examine
tous leurs gestes. A peine arrivés devant l’école, nous faisons
demi-tour, trainant en chemin, s’arrêtant pour manger des mangues, ou
pour aller chez un copain. De retour à la maison nous disons à notre
mère qu’il n’y a pas école aujourd’hui, nous avons oublié de le noter
dans le carnet. ». « Je me souviens de toi grand-mère. Après 11
ans d’absence. Sans mots, ni paroles nous nous retrouvons face à face.
Tu me touches le visage en me disant : « Baby, je t’aurais
rencontré dans la rue, je t’aurais pas reconnue. Comme tu as grandi, tu
es devenue une femme, une très belle femme ». Je te touche tes cheveux crépus.
Je me suis souvenu de mon enfance, les moments passés en ta présence
qui me sont inoubliables. Un sourire complice. Je te trouvais toujours
aussi belle. Je me vois à tes côtés entrain de te coiffer ou te couper
les ongles. Je me vois entrain de rire en mangeant une mangue bien mûre à
tes côtés et toi comme toujours tu me racontes des histoires. Nos deux
voix se réunissent, nous chantons.
En quelques secondes mon corps est
envahi par plein des sensations. Je me sens mal tout d’un coup. J’ai
envie de pleurer. Tu me dis : « Ma petite fille, j’attendais de te revoir avant de mourir ». Je
suis brisée mais je garde mon calme. Je t’ai aidé à traverser la cour
car tu avais du mal à marcher et mal de dos. C’est dû à l’âge. Mais je
t’admire autant. Je t’ai trouvé en pleine forme. Tu es partie Elma et
une partie de moi s’est envolée. Tu m’as fait tes adieux avant de
mourir, moi je n’ai pas pu. Ta mort à été un choc. Des fois, je
l’impression que tu es toujours là. Le téléphone sonne, j’ai envie
d’entendre ta voix, te parler, mais c’est impossible.”
DIASPORAMA-HAITI.- Et ceux de la France… ?
Rose-Esther Guignard.- J’ai quitté mon pays natal, pour renaître à nouveau dans une nouvelle famille, dans un endroit que je ne connaissais pas…Le 13 mai 1998, j’ai débarqué à Orly. La première personne que j’ai aperçue, c’est ma petite sœur qui était en France 2 ans et demi avant moi. Dans la voiture, il faisait très chaud et je croyais que c’était comme en Haïti, qu’il n’y avait pas les quatre saisons mais quelques mois plus tard, j’avais froid et je me demandais c’est quoi ces trucs blancs qui tombent. Eh ! Oui ! C’était de la neige.
Maintenant, j’habite à Vernouillet, à
côté de Dreux. Quand je suis rentrée au collège à 13 ans et demie, je
ne parlais pratiquement pas un mot de français, les autres se moquaient,
ça a été dur. On m’appelait « sapin de noël » car je me faisais des
coiffures avec pleins des choses dans les cheveux : des boules gogos,
des papillons dont les ailes bougeaient quand il y avait du vent ou que
je secouais la tête, des rubans, des chouchous de toutes les couleurs…
Je suis rentrée au Lycée et j’ai
redoublé ma seconde. J’étais en Littéraire et pendant trois ans, j’ai
suivi l’option cinéma audiovisuel, je rencontrais des professionnels,
nous écrivions des scénarios que nous tournions ensuite, j’allais au
ciné-clic un mardi soir par mois et chaque année au festival du film de
Vendôme. J’ai continué d’y aller ensuite comme une sorte de rituel…
Quand je rencontrais les professionnels :
acteurs, réalisateurs, musiciens, je discutais avec et j’ai pris tout
ce que je pouvais pour pourvoir concocter des nouveaux projets.
Au collège, j’ai participé au championnat de France d’athlétisme. Mes professeurs de sports m’appelaient « Marie José Perec II » tout en essayant de me convaincre de faire de la compétition.
J’ai aussi fait de la gymnastique, de
la danse moderne jazz et du hip hop, de l’expression corporelle, de la
danse contemporaine et du chant lyrique.
Rose-Esther Guignard.-
Qu’elle puisse étudier, réaliser ses rêves et prendre le relais pour
relever le pays. Ma petite cousine veut être infirmière, j’espère
qu’elle pourra aller au bout de ses études, car toutes les écoles sont
payantes et c’est difficile pour les familles.
DIASPORAMA-HAITI.- Quels sont vos espoirs pour la jeunesse haïtienne de la diaspora ?
Rose-Esther Guignard.-
J’aime bien entendre à la TV, à la radio ou dans les journaux, lorsque
des Haïtiens réussissent dans leur carrière artistique : Mimi
Barthélemy, Anthony Kavanagh…Dany Laferrière, Raoul Peck… Je me sens
fière de mes origines, ce petit pays toujours en lutte pour s’en sortir.
Ces artistes reconnus donnent une belle image d’Haïti et prouvent les
capacités de ses habitants. Je pense que pour tout haïtien c’est
important de pouvoir être fier de ses origines. Aujourd’hui je suis
Franco-Haïtienne mais mes racines sont en Haïti.
DIASPORAMA-HAITI.- De l’Hexagone… comment voyez-vous la situation sociopolitique en Haïti ?
Rose-Esther Guignard.-
Elle me semble bien compliquée. Le passé d’Haïti est lourd à porter.
C’est en même temps le pays qui s’est libéré seul de l’esclavage et
celui qui connu la dictature et la corruption.
DIASPORAMA-HAITI.- Que pensez-vous de la présence de la Minustah en Haïti ?
Rose-Esther Guignard.-
Je me demande si le monde souhaite réellement aider Haïti à se relever,
car il faudrait prioritairement former la jeunesse à jouer son rôle
dans la démocratisation du pays.
DIASPORAMA-HAITI.- Quels conseils donneriez-vous à la diaspora haïtienne concernant son pays d’origine ?
Rose-Esther Guignard.- Je ne sais pas donner des conseils.
Rose-Esther Guignard.-
Je ne sais si je peux dire que j’ai réalisé le rêve de ma vie, mais en
tout cas je suis en plein dedans, ça grandi et continue de grandir. Je
suis sur la bonne voie. Je ferais tout pour y rester. Me voici,
aujourd’hui à 28 ans, comédienne, conteuse, danseuse, chanteuse et
auteure. C’est ma vie et je suis là.
DIASPORAMA-HAITI.- Quand est-ce que vous comptez venir « performer » pour les enfants d’Haïti?
Rose-Esther Guignard.- Dès que j’y serai invitée, ce sera avec plaisir.
DIASPORAMA-HAITI.- Un dernier message au peuple haïtien de la Métropole (Haïti) et de l’extérieur?
Rose-Esther Guignard.- Croyez en vous et tenez bon.
Rose-Esther Guignard,
‘CANAL+HAÏTI’ et ‘DIASPORAMA-HAITI’ vous remercient pour votre support
dans le cadre du Mouvement de la Reconstruction d’Haïti, de la liberté
d’expression et de la liberté de la presse.
Crédit: CANAL+HAÏTI/DIASPORAMA-HAITI
Propos recueillis par Andy Limontas pour la Chronique « Diasporama » de CANAL+HAÏTI
Rédaction: Andy Limontas/Marie-Pascale Duplan
email: andylimontas@yahoo.fr / canalplushaiti@yahoo.fr
Tous droits réservés@CANAL+HAITI, Mars 2013
2 commentaires:
minha querida e com muita emoçâo que faço este comentario eu estou muito felçiz com sua grandesa de espiritu vc querida é linda e um amopr de mulher vc e noso orgulho o povó brasileiro nâo pod esquiecer que nos viemos de vcs do seu sangue muito digna de nosas vidas querida eternamente samos gratos a vcs beijos no seu coraçâo heliodocouto
muito obrigada pelo sua comentario Estou emocionada. Boa Sorte e Obrigada Rose-Esther
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