Ce
matin, j’ai été réveillée par un ami sous le choc de la décision du
gouvernement canadien de geler l’aide destinée à Haïti par le biais des
programmes et projets de l’Agence Canadienne de Développement
International (ACDI). La colère ressentie dans la voix de mon ami
(Québécois de souche) n’augurant rien de bon, j’ai pris la précaution de
me taper un café noir, fort et sans sucre afin de me prémunir de toute
complication suite à la lecture de ce qui semble être «la bombe du
nouvel an» du gouvernement canadien.
Je me suis donc lancée sur le lien qui
m’a été transféré afin de voir les mots traduisant à la fois le
ras-le-bol du pays donateur-bénéficiaire de l’aide à Haïti ainsi que la
grogne collective observée au sein de ma communauté haïtienne de
Montréal d’une part, de certains intervenants experts, politiciens et
autres de la société québécoise d’autre part.
Alors, après avoir lu et relu les propos
du journaliste Hugo De Grandpré parus dans les colonnes du journal La
Presse, je me suis dit que le meilleur moyen de répondre à cette annonce
du ministre c’est d’en décortiquer les interlignes et non-dits et d’y
aller directement dans le verbatim.
Quelqu’un n’a –t-il pas déjà dit que : «Plus l’offenseur est cher, plus l’offense est grande»
et un autre : «Tout ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les
mots pour le dire nous viennent aisément». Partant de ces deux
préceptes, je répondrai ceci à monsieur Julian Fantino, ancien chef de
police recyclé en diplomate par la grâce des conservateurs de Stephen
Harper.
«Plus l’offenseur est cher, plus l’offense est grande» :
Que de fois n’avions – nous entendu d’aucuns faire l’éloge de la
proximité, de la culture, de la langue et de l’amitié qui relient de
facto nos deux peuples quand on parle du Canada. Alors, le Canada se
situe doublement parmi les «pays amis» d’Haïti. Notons qu’ici je parle à
la fois du peuple et du gouvernement canadiens. Cette amitié s’est
traduite à toutes les occasions où Haïti a eu besoin du support
financier et autre des canadiens : ouragans, crises humanitaires
répétées et dernièrement le tremblement de terre de janvier 2010. Elle
se traduit aussi et surtout par le fait qu’Haïti est un terreau fertile
pour le Canada, le Québec qui restent et demeurent les destinations de
prédilection des cerveaux haïtiens considérant nos pratiques et
appartenance linguistiques.
Les états n’ayant pas d’amis mais des
intérêts, il nous faut lire les déclarations du ministre Julian Fantino
dans le contexte de l’économie mondiale. Personne, mais personne, même
pas le meilleur ami du monde n’est intéressé à porter à bout de bras un
poids qui ne semble manifester aucune volonté de se prendre en mains à
un moment donné…
Le ministre Julian Fantino n’a dit tout
haut que ce que bien des haïtiens et autres étrangers pensent tout bas
et depuis longtemps. N’en déplaise aux tenants de la thèse de
l’indépendance DONNÉE par papa Dessalines et les ancêtres qui 209 années
plus tard doivent se retourner dans leur tombe d’avoir fait tout ça
pour ça!
Maintenant, mon opinion sur la décision du Canada de geler les fonds alloués à TOUS NOUVEAUX PROJETS (sic) :
«Le ministre de la Coopération
internationale, Julian Fantino, se défend de vouloir lier l’aide
internationale aux objectifs de libre-échange du Canada. Mais en même
temps, dit-il, les Canadiens sont en droit de s’attendre à ce que leur
gouvernement recherche des occasions où «tout le monde ressort gagnant».
Chapeau monsieur le ministre, pour une
fois, un officiel se fait le porte-voix des citoyens conscients et
conscientisés, désespérés de «la gargotte / gaspillage» financiers, du
silence complice tant des donneurs que des receveurs quant à
l’utilisation de l’aide internationale. À tort ou à raison, Julian
Fantino ose dire clairement et sans équivoque qu’il est temps que la
couverte soit bien placée afin que des deux côtés on puisse s’y
réchauffer.
Il y a quelques mois, un ancien chef de la MINUSTAH a constaté l’échec global de l’aide internationale en Haïti.
Je comprends que monsieur Fantino, novice en matière de gestion de
l’aide internationale ait cru faire la déclaration du siècle et frapper
un grand coup sur le clou de ce pays déjà saccagé tant par les bévues de
ses gouvernements sans pudeurs des 30 dernières années et torpillé par
les catastrophes naturelles. Cher monsieur Fantino, vous auriez du vous
documenter avant de vous lancer dans ces déclarations qui en fait ne
sont que des pétards mouillés pour nous qui savons depuis longtemps
comment fonctionne «LA GAME» de l’aide internationale. La misère est
rentable, les pays maintenus dans le sous-développement sont des
viviers, des pépinières pour soulager par des chemins détournés les
«humanitaires» de tous poils qui en profitent pour satisfaire leurs
appétits et fantasmes de tous ordres. Monsieur Fantino, si seulement
vous saviez… L’ACDI est présente en Haïti depuis combien d’années? Qu’en
est-il du pourcentage des montants colossaux déboursés par le Canada
qui a réellement été utilisé pour répondre aux besoins de la population
hormis les rapports de circonstances? Il faudrait quasiment penser à une
Commission Charbonneau…
Aviez-vous lu les montants engloutis
ainsi que la couverture globale des secteurs de vie de la population
assumée par l’ACDI en Haïti? Je n’en reviens tout simplement pas! Un
rapide coup d’œil vous convaincra que, si un politicien canadien avait
élevé la voix dix ans plus tôt, en matière d’utilisation RÉELLE ET
EFFICIENTE de l’aide canadienne dans tous les domaines cités sur le site
web de l’ACDI, on n’en serait pas là :
-Enfants et jeunes, y compris la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants
-Sécurité alimentaire
-Croissance économique
-Gouvernance
L’ACDI / Aide humanitaire à Haïti
- A participé à l’inscription de 4,8 millions de personnes au
registre civil depuis 2008, soit environ 85 % de la population
adulte, ce qui leur a permis d’avoir accès aux services de base, de
présenter une demande de crédit, d’obtenir le titre de leur propriété et
de voter.
- A participé à la Commission intérimaire pour la reconstruction
d’Haïti et au Fonds de reconstruction d’Haïti pour faire en sorte que le
processus de reconstruction soit géré de manière efficace, transparente
et responsable.
- (…) En mars 2012, l’ACDI avait rempli son engagement de 400 millions de dollars visant la reconstruction et le redressement d’Haïti, mais elle continue d’appuyer le pays dans ses efforts de développement à long terme.
Elle passe aussi par la sélection
attentive de pays qui bénéficieront de la générosité canadienne: «Nous
allons travailler avec des pays qui, certainement, aspirent à la
démocratie, respectent les droits de la personne, l’État de droit en
place…» Source : site web de l’ACDI
«Les exemples de partenariats
possibles fournis dans un récent rapport de comité parlementaire (où les
conservateurs sont majoritaires) incluent les secteurs de la
microfinance, de l’aide à l’envoi de fonds par les diasporas ou de PPP
avec des sociétés minières pour la formation de la main-d’oeuvre. Ce
dernier type de partenariat fait déjà l’objet de trois projets-pilotes
fort controversés à l’ACDI.»
Et à toutes ces nouvelle filières de
développement des affaires, il aurait fallu que le ministre Fantino
ajoute dans un autre registre, la décision du Canada d’alléger les
conditions d’exportation d’armes prohibées vers l’Amérique
Central…ensemble vers la démocratie et l’État de droit! Il faut préparer
de nouveaux terrains de jeux pour humanitaires, quitte à en créer les
conditions maximales. Dès qu’on a une arme, il faut l’utiliser n’est-ce
pas? Et contre qui? Le voisin ou l’opposant politique voyons!
Cité-Soleil, Solino, La saline et autres quartiers devenus zones de
non-droit sont maintenant incontrôlables et à cela il faut ajouter le
tremblement de terre que personne n’avait prévu. Solution B : repérage
de nouveaux terrains propices à l’assistanat et/ou nécessitant une force
de stabilisation.
«Le politicien s’indigne devant les
critiques de ses détracteurs. «Nous ne finançons pas les compagnies
minières. Ç’a été dit et c’est complètement faux», a-t-il précisé.»
Encore une fois force est d’avouer que
monsieur Fantino ignore les filières d’investissements de son propre
gouvernement en matière de financement minier.
«Il a ensuite lancé: «Nous ne sommes
pas une œuvre de charité. Et s’il y en a qui croient qu’on l’est, on ne
le sera plus à l’avenir.»
Bravo monsieur Fantino! Enfin on parle
des vraies affaires! Nous, les citoyens haïtiens sommes heureux
d’apprendre que le NOUS inclusif, représenté par le gouvernement
canadien qui lance des milliards de dollars par les fenêtres sous forme
d’aide humanitaire sans obligation de reddition auprès des contribuables
dont je suis. Une chance que vous n’êtes pas une œuvre de charité, ou
ne l’êtes plus, comme vous le dites si bien. Vous devrez donc à l’avenir
nous fournir les montants alloués aux multiples ONG canadiennes qui
fourmillent sur le territoire haïtien d’une part, le pourcentage par
dollar alloué à leur entretien, leurs salaires et avantages de toutes
sortes, hébergement à l’hôtel, transport en « ZOREKEN » roulant sur les
orteilles du petit peuple perché sur les tas d’immondices pour assurer
la survie de sa famille. Quel est le pourcentage de centime par dollar
EFFECTIVEMENT utilisé pour soulager la population. Ainsi, nous les
citoyens canadiens, les canado-haïtiens sauront à qui profite le crime
depuis plus 50 ans.
«De lui-même, Julian Fantino évoque
la possibilité de coupes éventuelles dans certains programmes – sans
donner plus de détail. «Un programme a une date de début et une date de
fin, dit-il. Et si on ne reçoit pas les bons résultats, ou les résultats
anticipés, nous faisons des ajustements.»
Maintenant, on touche au nœud du
problème. Personne n’est dupe en cette matière. Nous savons tous qu’un
projet ou un programme a une date de début, de fin, un échéancier ainsi
que grille de résultats attendus. J’en appelle à ce stade-ci du dossier
aux gouvernants haïtiens s’il en est, qui sont les principaux
responsables de ce manque de respect dont font preuve les donateurs.
Depuis 1986, le pays glisse
inexorablement vers cet abîme où`se sont effondrés notre culture, nos
droits, nos valeurs. La majorité des Haïtiens fuient le pays devenu un
enfer dans tous les sens du terme. La décrépitude s’est installée, notre
jeunesse n’a connu que les « déchoukay » et les manifestations
fratricides/homicides, la prostitution, la corruption s’est érigée en
système soutenu et maintenu par la complicité de ténors du pouvoir et
ces mêmes bailleurs de fonds qui aujourd’hui osent sanctionner ce qu’ils
ont créé. Bref, tout ce dont les gouvernements successifs d’Haïti n’ont
pas fait la démonstration au cours de 30 dernières années. Certains
lançaient sans pudeur « mwen pa ka fè san soti nan ròch » à l’impossible je ne suis pas tenu» en réponse à la population qui les ont élus justement pour apporter une solution à sa souffrance.
D’autres, pour justifier leurs escapades
innombrables accompagnés de toute un aréopage dont les perdiem sont
payés en dollars US (tirés de l’aide internationale?) : «je parcours le monde avec mon bol bleu et mon bâton de pèlerin en quêteux pour le peuple»…Certains
voyages rapportant moins que ce qu’ils ont coûté, comme celui effectué à
Taïwan qui en final a accordé 150, 000 US pour aider à la
reconstruction! Quelle paradoxe.
Le gouvernement d’un pays de plus de
10,000 000 d’habitants dont 75 % est âgé de moins de 30 ans, donc,
disposant d’une banque de ressources humaines inépuisable, ose lancer
une telle connerie devant la presse! Faut-il vraiment être gelé plus que
de raison pour tenir un tel discours. Ce que nos présidents, premiers
ministres et leurs gouvernements ne semblent pas avoir compris depuis,
c’est que TOUS LES DONATEURS indistinctement ne
parviendront jamais à solutionner les problèmes de développement d’Haïti
sans passer par les Haïtiens eux-mêmes. Nous sommes 11, 000 000 sur le
terrain, plus de 2 millions en diaspora, nous contribuons plus que toute
l’aide internationale globale en matière de support financier au pays.
Cependant, vu que notre territoire est livré aux chacals déguisés en
humanitaires, NOTRE apport bien que supérieur et
effectif car défrayant parfois les besoins primaires de nos parents
restés au pays, est maintenu dans la colonne de survivance et
l’assistanat honteux dont le fort pourcentage revient au pays des
donateurs institué en système.
Au cours des dernières années, Haïti est
devenu l’enfer pour ses propres enfants alors que les étrangers, les
humanitaires et autres oiseaux y retrouvent leur paradis terrestre.
C’est comme un bon samaritain qui débarque chez vous avec son carnet de
commande et vous l’impose. Il est lucide de comprendre ce genre de
comportement hégémonique dans sa portée historique et structurelle :
Haïti a certainement besoin d’accompagnement dans son cheminement vu la
gabegie politique qui y a cours depuis 1986. Le gouvernement
Martelly-Lamothe à l’instar des précédents semble vouloir s’inscrire
dans la logique de la démagogie et du gaspillage insensés. Cela ne prend
pas vraiment des talents hors-pair de gestionnaire pour réaliser sur le
27,750 Km2 ce qu’a fait le Nicaragua, le Chili et plus
proche de nous la République Dominicaine. Arrêtez de vous ridiculiser en
parcourant la terre entière dont les coûts de chaque tour aurait pu
reconstruire cent logements pour les citoyens qui depuis bientôt 3 ans
croupissent sous les tentes.
Le Canada possède une expertise sans
conteste dans le domaine de la construction des infrastructures, dans
l’urbanisme, les routes. Nous savons tous que le dénominateur commun de
tous les gouvernements haïtiens c’est l’enrichissement illicite/rapide
et la fuite. Alors, tenant compte que les gouvernements passent et que
les structures restent, pourquoi l’aide canadienne ne se concentre pas
dans UN projet global dans SON domaine d’expertise? Encore faut-il que le gouvernement haïtien se montre cohérent et conçoive LE projet à soumettre en fonction de SES besoins et de l’expertise de SON
accompagnateur. On devrait commencer à réfléchir sur une structure de
développement durable qui soit articulée avec les besoins du pays aidé
et non les problématiques d’employabilité des pays donateurs, comme il
est présentement le cas en Haïti. Devons-nous nous mettre à genoux pour
cette tranche de salami? Il faut que pour une fois les gouvernants
haïtiens fassent preuves de dignité, se tiennent debout, bref, qu’ils
aient honte et que cette gifle leur serve de leitmotiv afin qu’ils
passent de résiliant à résistant agissants.
En matière de retour sur investissement,
le Canada bénéficie plus de son aide à Haïti, en faisant son capital
géopolitique dans la zone.
Nous recevons cette claque lancée à la
face de tous les Haïtiens par Fantino en attendant que le gouvernement
haïtien réagisse en posant à son tour les vraies questions et exigeant,
pour une fois et sans broncher, les vraies réponses. Il y a de quoi
s’indigner. Il est temps que les Haïtiens de l’intérieur et de
l’extérieur se concertent, se mettent debout afin que chaque donateur
soit maintenu à son rang de donateur et non de décideur. Nous sommes
Haïti, nos enfants servent et travaillent dans les pays étrangers à
toutes les sphères professionnelles. Nous avons toutes les compétences
pour relever Haïti et la remettre à sa vraie place sur l’échiquier
mondial.
Il faut plus que la formation de 30, 000
fonctionnaires et la construction de quelques bâtiments administratifs
pour reconstruire Haïti. L’embûche au développement de mon pays passe
par une prise de conscience citoyenne, une revendication par l’action de
notre fierté de peuple, une mise en commun de toutes nos ressources,
toutes générations confondues. Le Haïtiens doivent se mettre debout pour
construire leur pays car PERSONNE ne le fera à notre
place. C’est au gouvernement haïtien de savoir pourquoi il y a 10, 000
ONGs sur un territoire où vivent plus de 10, 000 000 d’habitants
excluant SES citoyens d’origine. Malgré cet
envahissement, le pays devient de plus en plus pauvre. Il faut de vrais
projets, à forte création d’emplois POUR les citoyens
du terrain, des projets réalistes qui tiennent compte des réalités
complexes du peuple et inscrits dans une logique de développement
national DURABLE.
Deux choix s’imposent au peuple haïtien
après avoir rompu les chaînes esclavagistes il y a 209 ans : se mettre
debout et prendre son destin en main ou organiser une levée de fonds
afin de payer le clonage de Fidel Castro pour que dans 50 ans, les
grands du monde viennent recevoir des soins médicaux chez nous. C’est
aux Haïtiens de définir leurs besoins. Ce gouvernement a une occasion
historique de reprendre le contrôle du territoire et de marquer le
temps. Combien d’ONG canadiennes sont sur notre territoire? Où
sont-elles? Que font-elles? Quelle est leur masse salariale? Et si on
mettait en veilleuse leurs actions sur le territoire en leur demandant
de retourner chez eux en attendant que le ministre de la coopération
externe réponde à ces questions? Nous demandons une Commission d’enquête
sur l’utilisation de l’aide canadienne en Haïti pour les dix dernières
années.
Crédit : Lumane Casimir/CANAL+HAÏTI
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