lundi 15 février 2016

Jocelerme Privert face à l`histoire !

Jocelerme Privert
On peut dire qu’en moins d’un mois, la carrière politique de Privert s’est accélérée puisque l’homme aura passé en un clin d’œil de président de la commission des finances du Sénat au président du Sénat pour ensuite devenir le président provisoire de la République tout court. On pourrait dire qu’il a battu tous les records en termes d’accession au pouvoir, si on doit s’exprimer dans le langage de la politique. Mais au-delà de la capacité de l’homme à gravir très vite les échelons, il reste des défis à relever car la chose publique ne peut se réduire à la réussite personnelle. Elle est, avant tout et surtout, une réussite collective. C’est justement cette tache qui permet de rappeler que Jocelerme Privert fait face à une situation exceptionnelle. On peut, en ce sens, parler d’un ensemble de défis à relever par le président Privert en un laps de temps (seulement 120 jours !). Il s’agit d’un ensemble de paramètres qui doit permettre de mesurer sa capacité à gouverner dignement un pays.

1. Apprendre à pardonner

La première tache de Jocelerme Privert c’est d’apprendre à pardonner. Il ne faut pas qu’il rentre dans la logique de venger l’humiliation qu’il a subie après le départ de Jean-Bertrand Aristide en 2004. Il est facile de lire dans les écrits de certains partisans zélés d’Aristide que Privert doit venger 2004. Venger 2004 revient à dire qu’il doit à son tour jeter Bernard Gousse ainsi que d’autres acteurs de 2004 en prison ou les assassiner puisque ceux-ci étaient bel et bien les instigateurs de son arrestation. Et, Gousse aurait même été présent au moment de cette arrestation (voir à ce sujet, lisez l'article suivant :(Qui est Jocelerme Privert, nouveau président provisoire d’Haïti?). Si Privert se lance dans une telle entreprise, il ne fera qu’attester les rumeurs selon lesquelles Jean-Bertrand Aristide serait celui qui a favorisé son accession à la présidence. Franchement, Jocelerme Privert a tout intérêt à pardonner Bernard Gousse car désormais il est le président de tous les haïtiens.

2. Etre le président de tous les haïtiens

Ce travail de pardon demande à ce que Privert soit le président de tous les haïtiens. D’ailleurs, son passé peut le témoigner. Exerçant diverses fonctions dans l’administration haïtienne de 1979 à 1986, cela veut dire que Privert ne méconnait pas le secteur duvaliériste. Occupant le poste de Directeur de la DGI, ensuite secrétaire d’état aux finances puis ministre de l’intérieur de 1995 à 2004, Privert est un haut dignitaire Lavalas ou du moins un fidèle allié de ce mouvement politique. En ce sens, le nouveau président réuni toutes les qualités pour être le président de tous les haïtiens. Et, peut même assurer l’unité des différentes factions Lavalas car il est à la fois proche de Jean-Bertrand Aristide et élu sous la bannière du parti Unité de René Préval. Le nouveau président doit prendre conscience de son rôle en évitant de se comporter en chef de chapelle. C’est aussi cette attitude qui l’évitera de marcher sur les pas de Martelly.

3. Ne pas marcher sur les pas de Martelly

Cette tache devant l’histoire demande à ce que Privert évite tout comportement se rapprochant de celui de Michel Martelly. Dans ce cas, le nouveau président doit éviter de mettre les ressources de l’Etat au profit des membres de son parti. Surtout, il doit éviter d’être celui qui favorisera l’accession de fanmi Lavalas au pouvoir. Là encore, ce serait pour le malheur de la nation que d’avoir de tels comportements. Martelly s’est montré ridicule en voulant à tout prix favoriser l’accession de Jovenel Moise au pouvoir. Cette technique de « après moi, c’est moi » n’a fonctionné qu’une seule fois depuis 1986 : seulement lors du passage Aristide-Préval en 1995. Par la suite, ce dernier a connu un échec cuisant en 2010 en voulant laisser Jude Célestin au pouvoir. Martelly vient de sortir par la petite porte à cause de cette attitude.

C’est en prenant ses distances par rapport au comportement du dernier président que le nouveau président saura mettre en place un nouveau conseil électoral bénéficiant de la crédibilité de la population. Sera-t-il à la hauteur de cette tache? C’est là la question qu’il faut se poser.

4. Mise en place d’un nouveau conseil électoral

L’une des plus grandes taches de Jocelerme Privert consistera à former un nouveau conseil électoral. Il serait tout à fait légitime de réclamer du nouveau président un Conseil Electoral Permanent mais on ne peut pas demander à un homme de réaliser en 120 jours ce qu’on n’a jamais pu réaliser depuis l’adoption de la constitution le 29 mars 1987. Toutefois, le nouveau président peut favoriser la formation d’un conseil électoral crédible. D’ailleurs, c’est ce que tout le monde attend depuis le départ de Pierre-Louis Opont. Ce conseil garantira la reprise des élections de 2015.

5. Reprise du second tour des élections présidentielles et sénatoriales

En dernier lieu, Privert doit tout faire pour la reprise des élections de 2015. Cela veut dire qu’il doit non seulement former une commission indépendante de vérification des élections mais aussi favoriser le déroulement de nouvelles élections dans une atmosphère sereine.

Ce sont là les défis qui attendent Jocelerme Privert. Ce n’est vraiment pas le moment de se livrer aux petites manœuvres qui ne feront qu’aggraver la situation du pays. La tache du nouveau président, c’est avant tout et surtout la tache d’un homme qui prépare l’avènement de la démocratie. Que peut-on attendre encore d’un homme dont le mandat ne doit en principe durer que quatre mois?


Credit:  Panel Lindor

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