Jocelerme Privert |
On
peut dire qu’en moins d’un mois, la carrière politique de Privert s’est
accélérée puisque l’homme aura passé en un clin d’œil de président de la
commission des finances du Sénat au président du Sénat pour ensuite devenir le
président provisoire de la République tout court. On pourrait dire qu’il a
battu tous les records en termes d’accession au pouvoir, si on doit s’exprimer
dans le langage de la politique. Mais au-delà de la capacité de l’homme à
gravir très vite les échelons, il reste des défis à relever car la chose
publique ne peut se réduire à la réussite personnelle. Elle est, avant tout et
surtout, une réussite collective. C’est justement cette tache qui permet de
rappeler que Jocelerme Privert fait face à une situation exceptionnelle. On
peut, en ce sens, parler d’un ensemble de défis à relever par le président
Privert en un laps de temps (seulement 120 jours !). Il s’agit d’un ensemble de
paramètres qui doit permettre de mesurer sa capacité à gouverner dignement un
pays.
1. Apprendre à pardonner
La première tache de Jocelerme Privert c’est d’apprendre à
pardonner. Il ne faut pas qu’il rentre dans la logique de venger l’humiliation
qu’il a subie après le départ de Jean-Bertrand Aristide en 2004. Il est facile
de lire dans les écrits de certains partisans zélés d’Aristide que Privert doit
venger 2004. Venger 2004 revient à dire qu’il doit à son tour jeter Bernard
Gousse ainsi que d’autres acteurs de 2004 en prison ou les assassiner puisque
ceux-ci étaient bel et bien les instigateurs de son arrestation. Et, Gousse
aurait même été présent au moment de cette arrestation (voir à ce sujet, lisez l'article suivant :(Qui est Jocelerme Privert, nouveau président provisoire d’Haïti?).
Si Privert se lance dans une telle entreprise, il ne fera qu’attester les
rumeurs selon lesquelles Jean-Bertrand Aristide serait celui qui a favorisé son
accession à la présidence. Franchement, Jocelerme Privert a tout intérêt à
pardonner Bernard Gousse car désormais il est le président de tous les
haïtiens.
2. Etre le président de tous les haïtiens
Ce travail de pardon demande à ce que Privert soit le
président de tous les haïtiens. D’ailleurs, son passé peut le témoigner.
Exerçant diverses fonctions dans l’administration haïtienne de 1979 à 1986,
cela veut dire que Privert ne méconnait pas le secteur duvaliériste. Occupant
le poste de Directeur de la DGI, ensuite secrétaire d’état aux finances puis
ministre de l’intérieur de 1995 à 2004, Privert est un haut dignitaire Lavalas
ou du moins un fidèle allié de ce mouvement politique. En ce sens, le nouveau
président réuni toutes les qualités pour être le président de tous les
haïtiens. Et, peut même assurer l’unité des différentes factions Lavalas car il
est à la fois proche de Jean-Bertrand Aristide et élu sous la bannière du parti
Unité de René Préval. Le nouveau président doit prendre conscience de son rôle
en évitant de se comporter en chef de chapelle. C’est aussi cette attitude qui
l’évitera de marcher sur les pas de Martelly.
3. Ne pas marcher sur les pas de Martelly
Cette tache devant l’histoire demande à ce que Privert
évite tout comportement se rapprochant de celui de Michel Martelly. Dans ce
cas, le nouveau président doit éviter de mettre les ressources de l’Etat au
profit des membres de son parti. Surtout, il doit éviter d’être celui qui
favorisera l’accession de fanmi Lavalas au pouvoir. Là encore, ce serait pour
le malheur de la nation que d’avoir de tels comportements. Martelly s’est
montré ridicule en voulant à tout prix favoriser l’accession de Jovenel Moise
au pouvoir. Cette technique de « après moi, c’est moi » n’a fonctionné qu’une
seule fois depuis 1986 : seulement lors du passage Aristide-Préval en 1995. Par
la suite, ce dernier a connu un échec cuisant en 2010 en voulant laisser Jude
Célestin au pouvoir. Martelly vient de sortir par la petite porte à cause de
cette attitude.
C’est
en prenant ses distances par rapport au comportement du dernier président que
le nouveau président saura mettre en place un nouveau conseil électoral
bénéficiant de la crédibilité de la population. Sera-t-il à la hauteur de cette
tache? C’est là la question qu’il faut se poser.
4. Mise en place d’un nouveau conseil électoral
L’une des plus grandes taches de Jocelerme Privert
consistera à former un nouveau conseil électoral. Il serait tout à fait
légitime de réclamer du nouveau président un Conseil Electoral Permanent mais
on ne peut pas demander à un homme de réaliser en 120 jours ce qu’on n’a jamais
pu réaliser depuis l’adoption de la constitution le 29 mars 1987. Toutefois, le
nouveau président peut favoriser la formation d’un conseil électoral crédible.
D’ailleurs, c’est ce que tout le monde attend depuis le départ de Pierre-Louis
Opont. Ce conseil garantira la reprise des élections de 2015.
5. Reprise du second tour des élections présidentielles
et sénatoriales
En dernier lieu, Privert doit tout faire pour la reprise
des élections de 2015. Cela veut dire qu’il doit non seulement former une
commission indépendante de vérification des élections mais aussi favoriser le
déroulement de nouvelles élections dans une atmosphère sereine.
Ce sont là les défis qui attendent Jocelerme Privert. Ce
n’est vraiment pas le moment de se livrer aux petites manœuvres qui ne feront
qu’aggraver la situation du pays. La tache du nouveau président, c’est avant
tout et surtout la tache d’un homme qui prépare l’avènement de la démocratie.
Que peut-on attendre encore d’un homme dont le mandat ne doit en principe durer
que quatre mois?
Credit: Panel Lindor
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