mercredi 16 mars 2016

Le péché mignon, Cri du coeur.


J'aurais voulu que je n'aurais pas pu.

Mais encore fallait-il que je le veuille vraiment. Je veux le vouloir, ou le crois-je tout au moins

Cet homme est comme une tache résistante, une sangsue qui me colle à la peau, un dessin tatoué sur mon corps, une addiction, un péché mignon... Pas si mignon, en fait.

Il y a à peine deux heures, je me jurais que j'allais le quitter, qu'au coucher du soleil, lui et moi serions de l'histoire ancienne. Qu'à l'aube, alors qu'il serait paisiblement allongé dans le lit conjugal qu'il a maintes fois parjuré, promis de laisser pour moi pendant que sous mes doigts savants et aimants il perdait tout bon sens... Oui, qu'à l'aube, poindrait une nouvelle moi. Une nouvelle moi sans lui.

J'ai répété mon discours de rupture toute la journée, avec la ferveur d'un croyant disant une prière, m'accrochant à chaque mot comme à une bouée de sauvetage. Ce discours de seulement trois mots était mon sauveur, mon rempart et mon messie.

JE TE QUITTE.

Trois petits mots tous simples, mais ô combien douloureux, restés bloqués à jamais dans ma gorge. Trois petits mots qui marqueraient la fin du règne de ce couteau à double tranchant qui me fend le cœur à chaque fois qu'il n'est pas disponible au téléphone, à chaque fois que j'ai envie de l'entendre, de le voir, mais que je suis obligée de ravaler mon désir et ma frustration, sachant pertinemment que je ne suis pas la seule femme de sa vie, ni la première d'ailleurs. Trois petits mots qui auraient enlevé de dessus de ma tête cette épée de Damoclès qui y pend depuis un an maintenant. Une année de fiel doux. Une année de douleur extatique. Une année de rires larmoyants. Dieu, que je l'aime ! Et comme je le hais !

Cet homme est le diable fait chair. Pour lui j'ai trahi ma foi, déçu ma famille, trompé toutes les convictions de ma jeunesse, piétiné toutes les valeurs morales qui ont donné le ton à mon enfance et façonné la merveilleuse femme en devenir que j'étais...que je fus... Que je ne serai plus ?

Pour lui je ME suis trahie.

Tous les soirs je traverse l'enfer pieds nus, quand je me tourne et retourne dans mon lit froid et bien trop grand, dans mes draps qui n'ont rien de la chaleur de ses bras. Tous les soirs, quand il me manque trop et que mon imagination torturante me tue et me remue encore dans ma tombe, en faisant défiler dans mon esprit toutes les scènes chaudes où il la caresse de ses mains si brûlantes sur ma peau à moi, lui fait toutes sortes de choses coquines et vilaines, dans l'ombre de leur chambre maritale, la nuit seule comme témoin de leurs ébats fougueux, et le silence avalant leurs cris de jouissance démente…

Oh, comme je la déteste, elle, l'autre femme !

Je la hais d'une passion qui n'a d'égal que mon désir de la voir disparaître dans un tourbillon, engloutie par la terre lors d'un séisme, dévorée par toutes sortes d'insectes qui l’achèveraient par d'infimes coups de dents ou de piqûres, afin qu'elle meure à petit feu, un peu plus à chaque morsure… juste pour qu'elle ait une idée, rien qu'une vague idée de la plaie béante en moi depuis maintenant une année. Depuis que j'ai découvert que l'homme de ma vie, le prince charmant que j'attends depuis si longtemps, ne sera jamais à moi.

Bien sûr, bien sûr, elle n'y est pour rien. Bien entendu, elle n'est pas à blâmer. C'est elle qui a la bague. C'est elle qui a eu les sons de cloches, la robe blanche et la traîne. Evidemment qu'elle serait dans son droit légitime de me trouver et de m'arracher en petits bouts pour en faire du barbecue, si elle savait pour lui et moi. Si elle savait que j'étudie des recettes de cuisine par cœur pour les reproduire, en y ajoutant deux zestes d'amour ; quand au creux de son emploi du temps partagé entre son travail et son foyer, j'ai un droit de visite, sous prétexte d'un dossier compliqué le retardant au bureau. Carrément qu'à sa place, j'arracherais les yeux de cette intruse et les ferais frire pour ensuite les donner à manger à mon chien avec de la sauce piquante !

Naturellement que....

Houssaaaaaa ! Allons, on respire.

Ces moments de crise où mes frustrations prennent le dessus, où mon imagination revêt son armure de guerre... ils sont fréquents. Ils me rendent malade, me tuent en slow motion, empoisonnant de leur venin tout ce que de bon il reste en moi.

Aie pitié de moi, Seigneur, parce que mon âme est bien loin enfouie dans des zones sombres, sous des dédales de décombres ! Cet homme est ma géhenne. Ma douce prison.

J'évite de me regarder dans le miroir. Et quand cela arrive, j'ai honte de celle qui me fait face. Où est-elle passée, cette petite fille qui disait ses prières tous les soirs, qui allait régulièrement à l'église, connaissait par cœur ses dix commandements à force d’assister à l’école du dimanche ?

''Tu ne commettras point d'adultère.''

''Tu ne convoiteras point la femme (l'homme) de ton prochain.''

''Tu ne voleras point''.

"Tu ne mentiras point''.

Juste ciel, ma vie en soi est un gros-plein-gras et puant mensonge, puisque je prétends posséder un homme emprunté de force à une autre, sans date d'échéance pour la remise ! Un homme qui m'a fait croire qu'il m'aimait, plus qu'il n'a jamais aimé cette femme qu'il respectait pourtant assez pour l'épouser. A qui il a donné en plus de son nom, deux beaux enfants, mais que j'espère encore dans ma passion délirante, ravir à son foyer. Tu ne convoiteras point ? Coupable ! Tu ne voleras point ? Encore coupable !

Ma conscience que j'ai fait taire il y a longtemps sortit de sous les draps cachant ma nudité barbouillée de souillures. Ces mêmes draps témoins de mes ébats adultérins vieux de juste une heure, et dont ne s'était pas encore remis mon amant, encore dans les bras de Morphée.

Quelqu'un devra se trouver une excuse bien faite et une petite gâterie à apporter à femme et enfants ce soir, pensai-je ironiquement ! Et ils n'y verraient que du feu. Leur vie reprendrait son cours normal, alors que moi je me rongerais le sang, restée toute seule dans mon lit dont mon oreiller serait encore enfoncé à la place où sa tête s'était posée, dans une chambre retentissant de ses ‘’je t'aime’’ creux. ‘’En effet, me susurra la petite voix dans ma tête, s'il a pu mentir à sa femme, la mère de ses enfants, pour être avec toi, il a bien pu te mentir à toi aussi... ou alors n'est-ce qu'une question de temps ! Que feras-tu quand il se lassera de toi ?''

La question me frappa de plein fouet, fêlant ma carapace auto-défensive. ''Mais non, il ne se lassera pas de moi !, me dis-je sans conviction, le doute faisant son chemin en moi, s'immisçant dans mon cœur, coulant dans mes veines, courant sous ma peau et transpirant par mes pores jusqu'à être presque palpable. "Non, il m'aime. Il va laisser sa femme pour moi. Bientôt. Il me l'a promis."

Ma conscience cette fois ne se gêna pas. Elle me ricana au visage. Un rire tyrannique qui me glaça le sang.

Elle savait. Elle savait que je ne croyais pas un traître mot de cette tirade qui me servait d'excuse pour m'empêcher d'agir, de faire ce qu'il fallait, de voir la réalité en face et sortir de ma léthargie. Elle savait.

Et parce qu'elle savait, elle me laissa là, face à moi-même, nue jusqu'à l'âme, resplendissante dans ma bavure.

Je ne pouvais plus me cacher. Ni de moi-même, ni de... ÇA ! Dans un accès de pudeur tardive et mal placée, je remontai les draps sur mes seins, dans l'espoir qu'ils couvriraient un peu de mes innombrables péchés, et m'appuyai au dosseret du lit. Surtout, détourner le regard du beau diable repu de sexe qui gisait encore dans toute la gloire de sa nudité à mes côtés.

Mais la tentation est tenace.

Mes gestes ont sûrement dû le réveiller, car je l'entendis bouger à côté de moi, et sentis plus que je ne vis sa main baladeuse se perdre sous les draps à la recherche de ma peau qui brûlait déjà d'impatience, tous mes sens en alerte et mon épiderme picotant d'attente.

- Hey ! Tu es bien pensive, ma belle, dit-il de sa voix d'homme satisfait.

Résiste. Surtout, résiste !

Mais la tentation est un herpès !

-Viens là, ma Vanessa à moi tout seul, viens près de moi.

RÉSISTE, JE TE DIS. RÉSISTE !!!!!

Mais la tentation assourdit parfois...

…souvent.

Alors qu'il me tira par la taille pour m'allonger près de lui, que son bras m'enveloppa, que son corps chaud encore de son sommeil récent se colla au mien, que ses yeux cherchèrent les miens et que ses lèvres se posèrent sur les miennes, je me perdis en lui, mon bon sens s'évaporant, encore une fois.

Une énième fois.



Crédit: Labrune


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