Née à Port-au-Prince le 21 avril 1950, Fabienne Manuel-Thonon, est expatriée en Nouvelle-Calédonie (Collectivité sui generis française)
 depuis plus de 40 ans. Comme toute native d’Haïti, qui se respecte, son
 cœur balance entre le pays d’accueil et la mère-patrie… « … C’EST BIEN LA CALEDONIE….MAIS AYITI JE T’AIME!!!!!!… », …comme un cri de son cœur, c’est ce qu’on peut lire, en grand caractère, sur le profil de son compte «Skype».
Dans ce dialogue constructif,  
Fabienne Manuel, nous parle de son enfance en Haïti, de son passage à 
New-York, de la vie qu’elle mène dans le Pacifique-Sud et par ricochet, 
elle nous fait part de sa souffrance de constater, impuissante, la 
descente aux enfers de son pays d’origine. Cependant, elle fait de son 
mieux, par ses maigres moyens, d’y remédier ā
 cet état de fait, parce qu’elle se sent, malgré la distance,  si près 
de son peuple  meurtri par la nature et une certaine élite 
irresponsable.
 Du pays des caldoches et des Kanaks, 16 heures de décalage 
horaire par rapport à Haïti, nous vous présentons l’entretien exclusif, 
qu’a bien voulu accorder à «Diasporama», l’ « unique ressortissante 
haïtienne» résidant en  Nouvelle-Calédonie : Fabienne Manuel-Thonon…
... Un 
régal !…   
DIASPORAMA.- Madame  Fabienne Manuel Thonon, depuis quand avez-vous laissé Haïti?
 FABIENNE MANUEL-THONON.- J’ai quitté définitivement Haïti en 
1965-66. Mais je partais déjà régulièrement pour les Etats-Unis depuis 
l’âge de 3 ans ½’ (1953-54), 9 ans (1959), 12 ans (1962-63) pour me 
faire soigner et opérer, ayant contractée la polio durant une épidémie 
en 1953, en Haïti…
DIASPORAMA.- Pour quels motifs avez-vous laissé votre pays ?
FABIENNE MANUEL-THONON.- J’ai quitté mon pays pour continuer mes études secondaires comme le faisaient beaucoup de jeunes après la 3ème ou le baccalauréat.
DIASPORAMA.-   Dans quelle(s) condition(s) avez-vous laissé votre terre natale ?
FABIENNE MANUEL-THONON.- J’ai quitté ma terre natale sans appréhension (connaissant déjà les USA), car je savais retrouver et habiter chez des membres de ma famille qui étaient installés à New-York depuis longtemps.
DIASPORAMA.-   Pouvez-vous nous parler de vos activités professionnelles ou universitaires?
DIASPORAMA.-   Quels pays avez-vous visité avant de vous établir définitivement dans les iles du Pacifique-Sud?
FABIENNE MANUEL-THONON.-  Avant de m’établir définitivement dans
 le Pacific Sud, j’ai visité la Jamaïque et survolé Cuba où j’ai pu voir
 le blocus dans les années 60,  et bien sur les Etats-Unis !!!! …. Mais 
depuis que je suis en Calédonie, j’ai visité Tahiti, l’Australie, la 
Nouvelle-Zélande, Curaçao, le Mexique, le Guatemala (où habite mon frère
 [ndlr : Robert Manuel]) et je suis retournée 2 fois aux Etats-Unis et 
en Haïti, mais avec 37 ans d’intervalle.
 DIASPORAMA.-   Quelle relation développez-vous avec  la communauté haïtienne de La Nouvelle-Calédonie ?
 C’est ainsi
 que j’ai su il y a quelques années qu’une haïtienne travaillait pour le
 Gouvernement Calédonien, je l’ai rencontrée et il s’est trouvé que 
c’était une amie d’enfance. Elle m’avait invitée chez elle et m’avait 
cuisiné des plats haïtiens….Malheureusement, j’ai appris quelques années
 plus tard, qu’elle était décédée, quand elle était retournée en France.
 Cela m’a beaucoup attristée…   
…Et…A ma connaissance, il n’existe pas d’association pouvant 
défendre les intérêts des haïtiens à Nouméa, puisqu’il n’y a pas 
d’haïtiens ( ?connus ?) à par moi, bien entendu,…  en 
Nouvelle-Calédonie.   
 DIASPORAMA.- Qu’est-ce que vous aimez chez les Néo-Calédoniens et que vous aimeriez retrouver  chez les haïtiens?
 Même les natifs du pays, des mélanésiens, appelés 
« Kanak », vivant la plupart en tribu, ont une situation privilégiée par
 rapport aux haïtiens.
 Les haïtiens vivent dans un pays exsangue, 
démoli, et sont un peuple fier, courageux, qui se relève toujours, vit 
dans la pauvreté et essaie de sortir de la spirale infernale du malheur,
 de la misère et de la corruption. Mais les calédoniens sont généreux 
envers les pays qui ont eu des catastrophes, mais ce sont des gens qui 
pensent d’abord à eux.
 FABIENNE MANUEL-THONON.- Les paysages de Calédonie sont 
magnifiques et nous avons un des plus beaux lagons du monde. J’ai vécu 
en « brousse » (province) de 1973 à 1984, dans un petit village dans le 
Nord de l’île, au bord de la mer. 
La vie y était douce et mes enfants 
ont eu la chance d’y passer leur enfance. J’ai beaucoup aimé, surtout 
après 10 ans passé à  New-York . A part cela, nous vivons dans un pays 
en paix, avec des massifs miniers de nickel impressionnants.
Mais dire 
que le pays m’a « captivée » … ??? … Surtout depuis que je vis à Nouméa,
 une Capitale moderne avec ses bons et ses mauvais côtés…
DIASPORAMA.-  En ce moment, Quels liens entretenez-vous avec Haïti ?
 FABIENNE MANUEL-THONON.- J’ai des liens familiaux et amicaux 
avec Haïti. Ma mère de 90 ans et ma sœur jumelle habitent Haïti. Je leur
 parle au téléphone très souvent (ce qui me coûte une fortune) et 
quelques fois je parle à ma sœur sur Skype quand la communication est 
claire, comme j’ai l’habitude de le faire avec CANAL+HAITI et DIASPORAMA …d’ailleurs. 
Nous communiquons aussi par email et Facebook où  j’ai de nombreux 
amis, d’enfance et nouveaux aussi, comme vous… 
 FABIENNE MANUEL-THONON.- Ma famille et moi avons créé une 
association caritative lors du séisme : « AYITI CHERI ». Je suis partie 
entre octobre 2011 et février 2012 à Miami et Haïti où j’ai pu, grâce 
aux dons d’amis calédoniens, de ma famille à Miami et en Haïti même, 
aller dans un orphelinat et gâter les enfants. J’ai aussi 2… disons… 
« protégés », 1 jeune homme et une jeune fille rencontrés sur Facebook, 
qui sont super !!! Je les ai rencontrés en Haïti et je les aide parfois 
financièrement, dans la mesure de mes moyens…
DIASPORAMA.-   Comptez-vous retourner vivre définitivement en Haïti ? Si oui, sous quelles conditions ? Sinon, pourquoi ?
 Mon mari, mes enfants et petits -enfants sont ici en Nouvelle-Calédonie,
 leur pays… Et il y a trop longtemps que j’ai quitté Haïti !!! J’y ai 
passé 1 mois ½ à la fin 2011-début 2012, cela a été très dur, stressant,
 la peur de tout….Et un grand sentiment de culpabilité de quitter ma 
mère et ma sœur, et de ne pas pouvoir faire plus pour mon pays !!! 
DIASPORAMA.- Parlez-nous, un peu, de vos bons et mauvais souvenirs d’Haïti ?
J’étais appareillée depuis l’âge de 4 ans pour ma polio,
 pour m’aider à marcher (la jambe gauche), et je ne jouais jamais
 avec les autres enfants de peur qu’ils ne me fassent tomber.  Là, je 
courais après des canetons autour d’un lavoir,  j’ai glissé sur le sol 
mouillé et je me suis cassée la cuisse droite. Donc j’ai dû passer des 
mois au lit, la jambe plâtrée et  en extension verticale, alors que 
j’avais mon appareil à la jambe gauche !!! Mais ma mère m’a dit que je 
bougeais comme un vers et ne comprenais pas comment je pouvais même me 
retourner sur le ventre…Ce mauvais souvenir m’est revenu grâce aux 
psychologues en Calédonie. 
Ou encore, j’allais dans un centre de 
rééducation physique tenu par des religieuses où on me faisait faire des
 exercices pour ma jambe qui me faisait très mal, et je détestais cela. 
D’où probablement mon antipathie envers « les bonnes sœurs » ; et 
pendant de nombreuses années, j’ai eu une phobie des hôpitaux et de leur
 couleur verte. Mais à 12 ans, je marchais enfin sans appareil après 2 
ultimes opérations à New-York. 
 A côté de cela, il prenait toujours ma défense devant les bonnes
 sœurs. J’ai fini par aller dans une petite école privée où avec 
quelques filles (comme moi), nous avons joué des tours pendables à un 
pauvre professeur qui a fini par démissionner !!! Les meilleurs moments 
de mon adolescence en Haïti jusqu’à 15 ans, c’est le drive-in le 
vendredi soir en famille, le petit cinéma «Le cabanon» à Petion-Ville. 
le dimanche après-midi ou les « crèmes à la glace » du front de mer à 
P-A-P, les journées à la mer (Kaona Beach…), les grandes vacances ou 
celles de Pâques à Kenscoff dans la maison familiale où nous faisions la
 chasse aux œufs de Pâques dans la rosée du matin, les parties de 
cache-cache et de bandits et policiers avec mes frères, sœur et cousins,
 les bals déguisés au Club Bellevue et la piscine du Club où j’adorais 
nager. Je passais de longues heures à lire… lire… lire…, pendant que les
 autres enfants jouaient et couraient pendant les anniversaires, me 
chipant mes souliers pour me taquiner, sachant que je ne pouvais pas les
 suivre… Moi je restais de marbre en attendant qu’ils en aient 
marre…
Vous savez....LES ENFANTS PEUVENT ÊTRE TRÈS MÉCHANTS ENTRE EUX !!!
 FABIENNE MANUEL-THONON.-  Je passe…!!!
 DIASPORAMA.- Quels sont vos espoirs pour la jeunesse haïtienne  de l’étranger (de la diaspora) ?
FABIENNE MANUEL-THONON.-  Je passe…!!!
DIASPORAMA.- Quels conseils donneriez-vous à la diaspora haïtienne concernant son pays d’origine ?
FABIENNE MANUEL-THONON.- La diaspora haïtienne a (à mon humble avis) une vue « tronquée » 
de la réalité en Haïti. Je l’ai constaté lors de mon dernier voyage. Ils
 veulent y retourner, s’acheter une jolie maison dans un cadre idyllique
 (Laboule, Kenscoff, Furcy… si possible), pour des vacances, ou s’y 
installer, en faisant « du business » et des allers retours  Miami ou 
N.Y.- Haïti, par exemple. 
Ils vivent un rêve éveillé car ils ont de 
l’argent et je ne sais pas s’ils conçoivent bien ce qui se passe en 
Haïti… La misère « noire », la corruption, l’insécurité, la vie hors de 
prix… Que leur argent serve à parrainer des jeunes à l’Université (qui 
entre nous soit dit a été bâti bien trop loin de la Capitale), ou des 
habitations pour les sinistrés et déplacés du séisme. 
Quand ils viennent
 en Haïti, la plupart vont visiter le pays, ses magnifiques paysages et 
ses plages, mais vont-ils vraiment au fond du problème ??? Je le 
souhaite ardemment. Pour ma part, étant si loin, je fais ce que je peux…
DIASPORAMA.- Que pensez-vous de la présence de la Minustah en Haïti ?
FABIENNE MANUEL-THONON.-  Je pense qu’Haïti a besoin, pour le moment, de la Minustah. Mais 
une Minustah remaniée, purgée de ses «mauvais éléments» et qu’au lieu de
 se comporter en pays conquis, elle devrait le faire en amie qui vient 
aider et reconstruire et surtout avoir du respect pour le pays et ses 
habitants.
 DIASPORAMA.- Devrait-on remobiliser et réhabiliter les FADH ? Pourquoi ?
FABIENNE MANUEL-THONON.- Je ne peux rien répondre sur la question de remobiliser et 
réhabiliter les FADH.  Je ne connais pas assez les tenants et 
aboutissants de la politique haïtienne. Je crois qu’Haïti devrait, pour 
le moment, se focaliser sur sa Police, mieux les traiter, les équiper, 
les former pour leur protection et celle des habitants. 
 La France 
devait même envoyer des instructeurs de la gendarmerie pour les former… 
Je ne sais pas si cela a été fait ???
DIASPORAMA.- Les haïtiens devraient-ils rester indéfiniment sous la coupe de la communauté Internationale ?
 Haïti ne peut absolument pas s’en 
sortir seule !!!
 Elle a besoin de toutes les aides proposées, à 
condition que les aides de la communauté internationale arrivent aux 
mains des bonnes personnes et soient réparties honnêtement et 
intelligemment. 
Je crois donc que les haïtiens resteront encore 
longtemps  sous cette «coupe» ou encore qu’elle nous servira de 
«béquilles» pour un certain nombre d’années. C’est aux haïtiens de 
prouver le contraire en s’unissant pour faire avancer le pays. De toute 
façon, le téléphone et l’électricité ne sont-ils pas déjà aux mains de 
compagnies étrangères ???
DIASPORAMA.- Fabienne Manuel Thonon, Votre vie est-elle une réussite ? Autrement dit, avez-vous réalisé le rêve de votre vie ?
 Je mange à ma faim, je ne suis pas riche, mais je ne
 suis pas pauvre non plus… Je suis à la retraite, j’ai perdu 60 kilos, 
je fais plein de choses touchant
 à l’art : je peins, j’écris, je fais de la poterie, de la mosaïque, du 
‘’scrapbooking’’, de la photographie, j’adore regarder la télé, la 
musique (haïtienne), je danse dans ma chambre très souvent avec la 
musique à fond (et tous les gens de mon immeuble savent d’où je 
viens) !!!
 Mais le rêve de ma vie serait de faire une expo de mes 
peintures dans une galerie d’art à Nouméa ou en Haïti, mais cela coûte 
très cher !!! Mais j’ai eu 2 très grands chagrins depuis que je suis en 
Calédonie : je n’ai pas pu enterrer mon père, et il y a 5 ans je suis 
restée 2 jours en Haïti pour enterrer mon petit frère alors que je ne 
l’avais pas vu depuis + de 33 ans.
DIASPORAMA.- Madame  Thonon, ... le mot de la fin ?
...Et
 merci papa et maman pour tous les sacrifices que vous avez fait pour 
moi tout au long de mon enfance pour me soigner. Sans vous et sans Dieu,
 je ne serais pas là pour écrire ce texte. Mais j’ai toujours été une 
battante…
... Je vous aime et toi mon petit frère chéri, mon « bébé », je 
sais que tu me lis avec papa et le Seigneur !!! … Dany, mon petit frère,
 je t’aime aussi…      
DIASPORAMA.- Madame  Fabienne Manuel Thonon … DIASPORAMA et
CANAL+HAITI vous remercient pour  votre support dans le cadre du Mouvement
 de la Reconstruction d’Haïti, de la liberté d’expression et de la 
liberté de la presse. 
Si vous voulez vous lier d’amitié  avec  Fabienne Manuel Thonon et l’aider dans ses œuvres sociales, voici ses coordonnées : 
Tel Mobile : +687 828819       
Contact AIM : fabi(AIM)
Contact  Skype : fabienne.thonon1
Contact email : fabimanuelthonon@yahoo.fr
Contact Facebook: http://facebook.com/doudounethonon
Propos recueillis par Andy Limontas 
Rédaction : Andy Limontas et Eunide Innocent 
Production : DIASPORAMA/CANAL+HAITI
Tous droits réservés @DIASPORAMA/CANAL+HAITI/Octobre2012
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