La bêtise insiste, l’obscurité s’impose parce que les
instruments de construction de lumière sont cassés. Pendant au moins trois
décennies, le pays a accepté que son école devienne progressivement une machine
de destruction massive de tout projet collectif. Les écoles « borlettes » sont
et ont été la reproduction de ghettos, d’une séparation sociale porteuse
d’incompréhension, de haine, de perte de foi dans l’avenir, dans la force du
collectif.
Les instruments de socialisation sont désacralisés, vidés de
leur légitimité au profit de la débrouillardise, au profit de la survie. Avec
plus de la moitié de notre population vivant sous le seuil de la pauvreté, sans
filet de sécurité sociale, la patience indispensable au redressement, au
développement qui est un processus long n’est donc pas garanti. Les fondements
actuels de l’économie est un autre motif de désespoir.
Pourtant, il ne suffit pas d’insulter la bêtise pour que la
bêtise cesse d’être la bêtise. La réponse doit être intelligente. Elle doit
prendre forme dans nos « lakous », nos corridors, nos sections communales, nos
racines. Elle doit peut-être passer par la proposition de nouveaux contenu sur
le sens, aujourd’hui, de l’engagement politique, de la citoyenneté, de la
responsabilité, de l’humanisme, de la solidarité, du respect des femmes, de la
vérité, de la défense des intérêts collectifs.
Quand, dans notre actualité, la conscience d’être à l’heure
d’une nécessaire révolution culturelle aura sonné, on cherchera la part de
culture, d’esthétique, d’élévation dans chaque geste, chaque prise de parole,
chaque chanson, chaque film diffusé, chaque poème déclamé. Sans censure, dans
le respect de chaque création, la masse critique constituée fera d’elle-même la
décantation. L’affreux saura qu’il est affreux, la bêtise cessera d’insister
avec cette arrogance déconcertante.
Il est peut-être minuit moins tard. Mais il n’est pas trop
tard, jamais trop tard même si, à ce rythme, c’est le pire qui nous attend sans
la volonté de rupture. Hier, la violence était centralisée. L’armée, la police
l’exerçait. Aujourd’hui, elle est éclatée, atomisée. Elle est dans les
quartiers, s’exprime contre le candidat en campagne électorale, contre la
commerçante qui se rend au marché. Avec la précarité socioéconomique, cette
manifestation de la violence se multipliera. C’est une évidence. Pourtant, les
bâtisseurs de ponts sont attendus sur le pont du renouveau, du leadership
collectif, de l’espoir à redonner à ce pays qui se vide, que l’on vide…
Crédit: Roberson Alphonse
12 février 2017
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire