dimanche 12 février 2017

Haiti/Réflexions : N’insultez pas la bêtise, rendez la bête autrement…




La bêtise insiste, l’obscurité s’impose parce que les instruments de construction de lumière sont cassés. Pendant au moins trois décennies, le pays a accepté que son école devienne progressivement une machine de destruction massive de tout projet collectif. Les écoles « borlettes » sont et ont été la reproduction de ghettos, d’une séparation sociale porteuse d’incompréhension, de haine, de perte de foi dans l’avenir, dans la force du collectif.

Les instruments de socialisation sont désacralisés, vidés de leur légitimité au profit de la débrouillardise, au profit de la survie. Avec plus de la moitié de notre population vivant sous le seuil de la pauvreté, sans filet de sécurité sociale, la patience indispensable au redressement, au développement qui est un processus long n’est donc pas garanti. Les fondements actuels de l’économie est un autre motif de désespoir.

Pourtant, il ne suffit pas d’insulter la bêtise pour que la bêtise cesse d’être la bêtise. La réponse doit être intelligente. Elle doit prendre forme dans nos « lakous », nos corridors, nos sections communales, nos racines. Elle doit peut-être passer par la proposition de nouveaux contenu sur le sens, aujourd’hui, de l’engagement politique, de la citoyenneté, de la responsabilité, de l’humanisme, de la solidarité, du respect des femmes, de la vérité, de la défense des intérêts collectifs.

Quand, dans notre actualité, la conscience d’être à l’heure d’une nécessaire révolution culturelle aura sonné, on cherchera la part de culture, d’esthétique, d’élévation dans chaque geste, chaque prise de parole, chaque chanson, chaque film diffusé, chaque poème déclamé. Sans censure, dans le respect de chaque création, la masse critique constituée fera d’elle-même la décantation. L’affreux saura qu’il est affreux, la bêtise cessera d’insister avec cette arrogance déconcertante.

Il est peut-être minuit moins tard. Mais il n’est pas trop tard, jamais trop tard même si, à ce rythme, c’est le pire qui nous attend sans la volonté de rupture. Hier, la violence était centralisée. L’armée, la police l’exerçait. Aujourd’hui, elle est éclatée, atomisée. Elle est dans les quartiers, s’exprime contre le candidat en campagne électorale, contre la commerçante qui se rend au marché. Avec la précarité socioéconomique, cette manifestation de la violence se multipliera. C’est une évidence. Pourtant, les bâtisseurs de ponts sont attendus sur le pont du renouveau, du leadership collectif, de l’espoir à redonner à ce pays qui se vide, que l’on vide…

Crédit: Roberson Alphonse
12 février 2017

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