Un devoir citoyen et humaniste m’enjoint à
vous adresser, M. Jovenel Moïse cette correspondance ouverte, affranchie des
contraintes protocolaires.
À l’évocation des souvenirs d’un temps
récent, vous étiez de mon équipe et j’ose présumer connaître, tant soit peu,
vos qualités et vos ambivalences. Je m’enhardis donc, dans mes latitudes
civiques, à prévenir que mon pays et mes concitoyens n’aient à plaindre un fils
du Nord héroïque perdu dans la spirale du choc des cultures et aujourd’hui ivre
des honneurs d’une ascension politique escamotée avec cette mission, désormais
impossible, de maintenir un ordre sociopolitique basé sur le monopole, la
corruption, l’exclusion sociale, l’assistanat et la démagogie.
Camarade, en vérité, cet État de ‹‹
Lesen Grennen ›› outillé de doublure, de cupidité et de manichéisme, cet État,
dis-je, campé sur l’île de Quisqueya aux lendemains du régicide sacrilège du 17
octobre 1806, cet État convenant au mieux aux intérêts d’un impérialisme
inhumain, monstrueux est en phase finale de décomposition. Nul ne saurait en
garantir la stabilité. Même les tuteurs, les proconsuls et les décideurs par
procuration se doivent d’admettre qu’on en a assez du système de gouvernance
cupide et ethnocentrique qui en résulta.
Pendant plus de deux siècles, les
stratèges de cet État ont broyé toutes les espérances de salut collectif. De
gré ou de force, ils ont réduit au silence ou étouffé les voix de la Raison, de
l’Espoir et du Droit.
Est-ce présomptueux de vous inviter,
ici, à vous rencontrer introspectivement dans le serpentin de vos doutes, de
vos réflexions pêle-mêle pour vous rendre à l’évidence de cette farce
électorale qui vous a élevé à la place d’honneur pour vous entraîner sur la
place d’armes, oui de cette farce électorale dont vous êtes le dindon. Et,
ainsi, vous êtes la dernière doublure de ce système en décomposition.
Vous pouvez rétorquer à bon droit qu’on
ne peut corriger que de l’intérieur. Hélas ! Dans la tourmente d’une spirale,
on perd toutes les notions d’orientation, on perd ses repères, on perd ses
pédales, on lutte contre son ombre, on se fourvoie jusqu’à se nourrir de sang.
Demandez à Pierrot, à Salnave et à Duvalier. Et comme qui dirait vous marchez
déjà sur leurs traces avec cette proposition de loi sur la diffamation, ce
déterrement de la veille pratique de la Rome de César : diviser pour régner. Le
système est à bout d’inspiration pour fragiliser la Plateforme Pitit Dessalines
et déstabiliser Moise Jean-Charles. Pour votre entendement, Pitit Dessalines
est une institution-patrimoine au regard de la Real politik. Elle résistera aux
assauts du système et Moise Jean-Charles fera son chemin. En plus. aujourd’hui,
il existe un Parti Pitit Dessalines. ‹‹ Nou bite nou pa tonbe. Nou se rozo ››.
Donc le débat est clos.
Parlons maintenant pays et développement.
J’ai un immense plaisir à vous
présenter mes félicitations, sans équivoque, pour le vote d’Haïti à l’OEA en
solidarité avec la Nation sœur de la République Bolivarienne du Venezuela.
Est-ce un signal de souveraineté nationale que vous avez envoyé à vos censeurs
à l’approche du départ de la Minustha exigé du peuple haïtien ? Est-ce un choix
responsable de marcher dans le sens de l’histoire pour cette humanité solidaire
? Est-ce aussi une stratégie de poudre aux yeux pour mieux cacher à la Nation
les véritables mobiles de ce pouvoir illégitime de fait de novembre 2016 ?
Ces interrogations participent d’une absence,
dans la déclaration de politique générale de votre Premier ministre d’une
définition objective des grands axes de votre politique diplomatique. La
Constitution de la République vous incombe cette tâche. Elles traduisent aussi
mes inquiétudes personnelles quant à vos lourdes redevances à une fange de la
communauté internationale qui, associée aux intérêts très particuliers de
certains pachas de l’élite économique haïtienne, ont tout fagoté pour imposer à
la Nation le poulain de Michel Joseph Martelly dont la gestion catastrophique
s’est soldée par le gâchis que reconnaissent partisans et opposants.
Vous avez, par antériorité, attesté du
bien-fondé de ces questionnements quand vous offrez, sans répit, l’image d’un
candidat toujours en campagne. N’est-il pas vrai que votre intervention aux
funérailles de l’ex-président René Préval en reste un éloquent témoignage ?
Soit dit en passant, vous avez, camarade, ainsi, outragé la mémoire du défunt.
Somme toute, avec toute la gauche haïtienne responsable et tous les peuples
solidaires du Venezuela, je vous décerne un brevet.
Selon les informations qui me sont parvenues,
les résultats des examens de l’autopsie du cadavre de l’ex-président René
Préval ont conclu à un empoisonnement. M chita map gade kijan w pral jere bagay sa. Kanpay
la fini. Peyi a ap tann nou ak dosye cho sa.
Cela fait trois mois depuis que Guy Philippe,
l’un de vos alliés, sénateur élu de la République, a été arrêté puis transféré
aux Étas-unis pour son implication présumée dans le trafic de drogue. Ses
collègues du Grand Corps ont voté une résolution condamnant cet acte
d’ingérence de la part d’une puissance étrangère. Maintenant, la balle est
entre vos mains en dépit de votre silence si éloquent dans ce dossier. Guy
Philippe a mené campagne pour vous et avec vous dans la Grand’Anse. Votre
attitude de mépris à son égard est reprochable et ingrate. Mais cela se
comprend, vous êtes entre l’enclume et le marteau. Et vous avez fait votre
choix.
Néanmoins, sur le plan intérieur, les
premiers balbutiements du pouvoir Jovenel/Lafontant/Martelly/Clinton/Apaid
laissent en présager ce que seront les cents premiers jours, voire le mandat.
Sans un projet de calendrier d’actions, on s’engouffre dans une littérature
utopique qui réduit le gouvernement à un service de pompiers. Aucune approche
systémique pour adresser les grands problèmes de l’heure. Et le président
imposé à l’allure d’« un rien à faire » qui peut se payer le luxe d’encadrer le
SMCRS dans une opération de salubrité sur les berges du Bois-de-Chênes.
L’Entreprise nationale, dans votre jargon libéral, sera-t-elle, elle aussi,
conduite à la faillite comme Agritrans et l’usine de traitement de l’eau dans
le Nord que vous avez montées.
Puis-je encore vous conseiller à ne pas
faire tête de mule ? Souvenez-vous que la firme consultée pour le montage de
cette production de bananes redoutait de fâcheuses conséquences sur la nappe
phréatique et prévenait des risques de salinisation de l’eau rendant, a priori,
impossible la tenue de cette bananeraie. Mais vous n’en avez cure.
S’il est vrai que certains, depuis 1806,
considèrent le pays comme un bien privé, je vous rappelle que Haïti est à
chacun et à chacune de ses filles et fils. Oui, revenons à cette approche
globale d’un plan de développement durable. Les premières mesures de ce
gouvernement sont floues et à brûle pourpoint incohérentes.
Et pour preuve, le ministère de la
Planification, si j’ai bonne antenne, a dénoncé le régime des subventions.
C’est louable. Mais ne devrait-on pas à ce chapitre faire appel à la
transparence pour édifier la nation et après coup porter la justice à sévir
contre les courtiers et les professionnels de la corruption ? Attendez,
dites-vous ? De grâce, la loi sur la diffamation ne handicape-t-elle pas le
travail de la presse et n’enfreint-elle pas le droit à l’information du citoyen
dans un État démocratique que votre gouvernement prétend mieux construire ?
D’ailleurs, pour ceux qui lisent entre
les lignes et avec objectivité, certaines personnalités nommées à des postes
stratégiques renvoient à cette inclination d’une police secrète de persécution
et d’intimidation, à cette continuité du régime corrupteur et corrompu. C’est bien,
pour un pays, d’avoir un service d’intelligence, c’est bien aussi dans
l’Administration de faire appel à l’expérience, mais quand la stature du
messager rappelle un passé effrayant où l’on cautionnait les abus, les
atteintes aux libertés citoyennes et exaltait les tentatives d’assassinat;
comme celles perpétrées contre moi durant la campagne électorale, il y a, pour
les avisés, comme Moise Jean-Charles, lieu de s’inquiéter. Je ne pointe pas ici
du doigt M. Sanon, M. Jeantel Joseph, M. Ocnam. Je garde une position de
principe. Tout comme, à moins que les antécédents cachent une expertise, je
comprends mal la nomination de M. St-Albin comme titulaire du Ministère de
l’Intérieur et des Collectivités territoriales. Quatrième poste politique en
importance à mon sens de tout pouvoir déterminé à réussir. Est-ce là une
manière de confirmer, si besoin était, que Martelly est encore au pouvoir ?
Camarade citoyen, j’ai par ouï-dire
appris les mesures annoncées par la Banque centrale pour freiner la décote de
la gourde. Parallèlement, j’espérais une définition propre et claire d’une
politique économique renforçant les mesures. Pour avoir été tour à tour maire,
conseiller du président Préval, sénateur avec une aura internationale enviable,
-permettez ce peu de modestie- membre de plusieurs commissions parlementaires,
je peux vous avouer que, sur le plan économique, vous nagez dans des eaux
troubles. Et si cette droite libérale et prédatrice qui vous a imposé ne vous
souffle pas tout de suite une recette/tampon malgré les 120 millions de dollars
injectés sur le marché, la gloutonnerie aura raison de vos espérances et
bientôt l’on aura besoin de 100 gourdes pour un dollar américain.
Prophète de malheur ? Partisan du chaos ? Oh,
non. Citoyen, ayant renforcé la diplomatie parlementaire, dans cette dernière
décade, j’ai la diligence des détails annonçant une catastrophe économique. Et
si réussir en politique, c’est obtenir des résultats saillants qui satisfont
les attentes de la communauté, une dose d’anticipation est on ne plus
importante.
Votre méthode de gouvernance
entend-elle encore et toujours assurer la continuité en matière de justice et
de justice sociale ? Vous conviendrez avec moi dans un sursaut de dépassement
que, dans ces domaines, il faut ingénieusement offrir autre chose que du
replâtrage, d’un vernis de correction susceptible d’accélérer une implosion du
système et l’explosion sociale déjà imminente avec cette crise de famine dans
le grand Sud que les stratégies de saupoudrage de votre gouvernement auront de
la peine à juguler.
Les troubles au Trou-du-Nord, à l’Arcahaie,
les grognes sourdes sous les toits et sous les lampadaires, l’exode systémique
des gens du pays profond ou vers les ghettos des grandes villes ou vers les
pays de l’Amérique latine, la déchéance institutionnelle, sont, entre autres,
des signes avant-coureurs d’un grand bouleversement sociopolitique avec,
certainement, des dégâts collatéraux importants. Je plaide pour une révolution
pacifique.
On a combattu, par tous les moyens, Moise
Jean-Charles pour cette idée. Mais qui peut nier, aujourd’hui, que la politique
du nouveau président américain, le Brexit Anglais, l’Axe Russie-Iran-Syrie, la
quête farouche de l’identité française, pour ne citer que ceux-là, annoncent un
retour en puissance du protectionnisme d’État. A quoi donc peut prétendre un
État défaillant comme l’Haïti d’aujourd’hui ? Un État congru, assisté
indécemment parfois, et sans une idée réelle de revalorisation nationale.
Quelle est la consistance de vos
promesses électorales ? On me dirait que je vais trop vite en besogne. Mais
celui qui le dira a-t-il mesuré les enjeux ?
Vous avez été imposé par une clique de
commerçants qui tirent toute leur fortune de l’importation des produits de
nécessité quotidienne : riz, œufs, bananes (malheureusement), haricots.
Comment, dans ce conflit d’intérêt, redresser la production nationale qui
demande science, volonté politique et patriotisme ?
Vous avez été imposé par des agents d’une
certaine communauté internationale avide des réserves minières des pays du
tiers monde déjà surexploités.
Vous avez été choisi et cuisiné par
Michel Joseph Martelly et sa clique pour pérenniser l’impunité,
institutionnaliser la corruption et mâter, si possible, la hardiesse des
leaders politiques et des leaders d’opinion accrochés à la bonne gouvernance et
au triomphe du droit.
Cette droite libérale dont vous portez
le projet désuet de pays clanique et satellite des intérêts du grand
capitalisme féroce vous a emprisonné, embrigadé et conditionné à ne penser que paupérisation
radicale en douceur et n’agir qu’avec les atouts de la démagogie.
Êtes-vous, dans cette ambiance, capable
de vous élever au rang des génies pour sortir le grand jeu dans l’intérêt
national ? J’en doute et je vous plains.
Mon cher Moise, qu’êtes-vous allé
foutre dans cette galère ?
En toute simplicité
Crédit: Moïse Jean-Charles
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