vendredi 19 août 2016

Le MENFP, la tête ou la queue?

Madeleine Begon-Fawcett
Le MENFP, la tête ou la queue?

Il était une fois un bordel (an kreyol, yon makrèl)…

Dans ce bordel vivaient un groupe de putes enchaînées, sans volonté et sans projet à court, moyen ou long terme. Au fil des ans, ces  Elles s’accommodaient des clients qui défilaient avec leurs propres visions, missions et objectifs. Qui ne connaît pas l’objectif final d’un homme pénétrant dans un bordel? Il arrive, sort son portefeuille, passe à la caisse, choisit la fille, l’entraine dans la chambre, la baise, remonte son pantalon…excusez, se lave s’il y a un pichet ou s’essuie, remonte son pantalon puis quitte les lieux.
La fille? Quelle fille? Puisqu’elle n’existe que pour répondre aux besoins du client et qu’elle n’a pas droit à la parole une fois que le cachet encaissé par le propriétaire du bordel?  Elle est logée, nourrie et blanchie et n’a qu’à acquiescer au fur et à mesure que les clients défilent et lui passent sur les entrailles.
Au fil des ans, ces filles se ramassent avec toutes sortes de maladies vénériennes en plus des déficiences acquises des clients qui amènent avec eux au passage : la drogue, l’alcool, les visas bref, la totale en matière de gangrène et de corruption. Tout le personnel du bordel s’enrôle dans la macabre routine et s’enlise…en attendant le prochain client.
Il arrive qu’au cours de l’acte, les attentes de  la fille et du client soient satisfaites. Très rarement dans le cas de ce bordel car les propriétaires/gestionnaires sans aucun plan, se foutent de la satisfaction de l’un comme de l’autre. Tout ce qui leur importe c’est de ramasser quelque pécule de fois en fois jusqu’à la prochaine saison. En attendant l’arrivée du prochain client avec SON projet, SON objectif et SES motivations.
Et ça dure depuis au moins 50 ans.
Le bordel? Le makrèl? Haiti.
Les gestionnaires? Nos gouvernants.
Les putes? Les ministères.
Les clients-baiseurs? Les bailleurs de fonds.
La pute qui nous intéresse aujourd’hui? Le MENFP.
Hier, je faisais allusion à la nécessité de revoir le rôle, la justification même de l’existence de ce ministère dans le projet-pays. Qui n’existe pas.
Il n’existe pas non plus AUCUN PROJET ÉDUCATIF défini pour le pays. C’est la politique qui décide des prochaines étapes. Vu que la politique est ce qu’elle est et que la population est prise en otage par ces charognards de politiciens, nous voici en terrain bourbeux. Il importe de regarder le problème global de ce pays dans chacune de ses sphères vitales dont l’éducation.
Puisqu’il n’existe pas de plan réel d’éducation en fonction de type de citoyen et/ou de société voulue ou espérée, vu que nous nous accommodons de tout et de n’importe quoi venant de tous et de n’importe qui, on nous enfourne à peu près n’importe quoi dans la gorge, comme dans un bordel!
La catastrophe planifiée du programme appelé PSUGO se répète aujourd’hui, le 19 août 2016, au sein de ce même ministère, dans un autre programme qui s’appelle Ann ALE :Ann aprann li ak ekri.
Le 7 juin dernier, j’ai rencontré un responsable dudit programme à L’Académie canado-haïtienne. Il m’a expliqué de quoi il s’agit. Je fus assez réticente au début, comme pour tout ce qui regarde les projets et programmes de ce ministère, supporté par les mêmes baiseurs d’habitude. Il était question de signer un contrat nous désignant officiellement comme partenaire du fameux programme.
Ce  dernier stipulait que l’école s’engageait pour trois (3) ans à garder les mêmes enseignants. Ces derniers seront formés aux techniques de lectures et d’écriture du fameux projet, ils bénéficieront d’une tablette électronique où le logiciel serait installé. Le plus important volet du programme c’est que Ann ALE fournissait les manuels de lecture et d’écriture aux enfants des 1ère et 2ème années fondamentales ainsi qu’une mini bibliothèque. Cela renforcerait celle dont nous disposons déjà à l’Académie.
Ce volet de fournir les manuels aux enfants m’interpellait d’autant que j’étais déjà hyper-écœurée par la pléthore de livres scolaires (certains plus débiles et incohérents que d’autres)  en usage dans le système. Et le fait que ce soit le MENFP qui propose, à mon secret souhait, des manuels uniques, je me disais que c’était sans doute un début de prise en charge de cet important dossier, celui des manuels scolaires. Obnubilée par cette idée, je nous voyais déjà à l’ère du manuel unique comme de mon temps pour les enfants du primaire! Ne voulant pas m’inscrire dans une logique rébarbative et réfractaire et désirant accorder la chance aux coureurs, j’ai fini par apposer ma signature sous le contrat.
07 juin 2007. Contrat signé. On attend le suivi avec les responsables du programme quant aux formations offertes aux enseignants. Entretemps, nous avions conçu les listes de manuels et fournitures scolaires dont nous avions soustrait ceux de lecture et d’écriture. Soulagement pour les parents…vu que le MENFP a lui-même et simultanément décidé de ne plus subventionner les manuels scolaires cette année pour cause de difficulté économiques  (sic).Une chance que nous avions été ciblés et que nos enfants allaient bénéficier, ô chanceux, de la providence momentanée!
C’était vraiment trop attendre de ce MENFP et de ses baiseurs occasionnels. L’USAID dans ce cas.
Nous sommes aujourd’hui à environ deux semaines de la réouverture des classes. Enfin, hier le 18, un appel des responsables du programme nous convoque à une rencontre au Lycée Pétion.
À 9 heures 30.
Nous étions environ une centaine de responsables d’établissements scolaires. Nous étions là. Eux? Ils sont arrivés vers 10 h 30. Ils s’excusent bêtement, non, avec un sourire bête. Mais ce n’est pas grave, nous sommes en Haïti!
On distribue l’ordre du jour. Ce sera une feuille pour trois invités. Il n’y en avait pas pour tout le monde! On n’a pas prévu pour tous ces gens…me répond alors la madame…Comme s’ils ne savaient pas combien de directeurs et responsables seraient présents!
Dans un baragouinage mi-figue mi-raisin, le répondant haitien du programme, flanqué du répondant américain –baiseur-bailleur de fonds- USAID nous  informe que LE PROGRAMME A ÉTÉ MIS SOUS RESPIRATEUR ARTIFICIEL / MORATOIRE. Ils se disent désolés, a la centaine de directeurs présents, qui avaient été rencontrés durant l’été, qui en majorité avaient signé le contrat pré-scellé et paraphé par les hauts responsables du MENFP et des « financeurs ». Et des responsables du programme.
On s’est alors regardés, incrédules, ne comprenant pas vraiment ce qui se passait. Chacun voyait défiler la séquence du moment où on allait devoir transmettre la bonne nouvelle aux parents!
Quelques-uns ont pris la peine de poser des questions sur la pertinence et les causes de ce changement subit dans le déroulement du programme.
Eh bien…on est vraiment désolés…Ce n’est pas notre faute…C’est le MENFP qui a changé de directeur général et ce dernier a mis plus de temps qu’il fallait pour s’imprégner du programme… pour finalement décider qu’il fallait RENFORCER le volet déjà en cours AVANT D’AJOUTER d’autres écoles! Bingo! Et qu’en est-il de ce point dans tout projet : évaluation / rapport d’étape? Ils ont donc sauté cette étape pour faire rentrer d’autres écoles, sous le sceau et la signature d’un haut cadre du MENFP? WTF?
À leur décharge, je dois avouer que 95% des responsables présents venaient d’ÉCOLES PUBLIQUES… les autres, comme nous, faisons partie de ces gens de bonne foi qui se disaient que peut-être, quelque chose de bon va sortir de ce merdier appelé MENFP! Mal nous en fut et on l’a reçu en pleine gueule!
Monsieur le Blanc de l’USAID est devenu rouge comme un homard quand je lui ai dit que dans tout projet, il existe une rubrique appelée IMPRÉVUS/ DIVERS qui compte pour 10% du coût total du projet et que c’est exactement pour des cas comme celui-ci en ce 19 août 2016. Le programme DEVRAIT COUVRIR LES FRAIS DES LIVRES retirés de la liste des enfants suite à la signature du contrat.  Ils ont même essayé de nous donner de la pression à l’effet qu’on avait signé avec le MENFP et que le contrat était encore valide! Il sait très bien que dans son pays cela s’appelle un bris de contrat et qu’il y a des conséquences. Mais, nous sommes en Haiti et il ne s’agit que d’enfants haïtiens…
Ce sera à nous d’affronter les parents en leur disant que les livres que nous avions soustraits de la liste doivent être achetés car il s’est passé une merde entre les responsables du programme, les baiseurs du MENFP.
Le MENFP change de directeur général et ou de ministre, tout chambarde, sans égards à ce qui était en cours, engagements et signatures n’ont aucune signification pour ces mendiants.
Nous ne disposons d’aucun plan national d’éducation auquel devrait se plier tous ces faiseurs de miracles, ces apprentis-sorciers nous arrivent avec leurs petits projets et programmes.  Il faut dire que ces programmes répondent plus souvent qu’autrement aux besoins des bailleurs et de leurs experts qu’à ceux du pays et de ses besoins réels. Mais, étant donné que nous sommes des mendiants sans projets, sans cerveaux, sans plans, on devient les cobayes des uns et des autres.
Tout sa sou do ti Ayisyen. Sou do pèp la. Gaz leta, machin leta, lajan leta, dola US ki ap blow! Nou dwe cheve nan tèt nou san pa gen okenn rezilta.
Alors voilà! Encore une fois, ceux qui osent compter sur ce MENFP en ont eu plein la gueule. Nous allons devoir assumer la honte face aux parents dans deux semaines. Et la roue continue de tourner…
Haiti est un bordel. Chaque ministère est une pute qui attend les jambes ouvertes. Chaque client arrive avec une enveloppe dans sa basoche et va voir le propriétaire du bordel. On lui désigne la pute et DEAL!
Il FAUT METTRE LA POLITIQUE DEHORS DU SYSTÈME ÉDUCATIF et DÉFINIR UNE POLITIQUE ÉDUCATIVE POUR 25 ANS dans le pays.



Crédit: Madeleine Begon-Fawcett

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