Louis Philippe Dalembert |
Pour son roman Avant que les ombres s’effacent
publié chez Sabine Wespieser, Louis Philippe Dalembert est lauréat 2017 du Prix
France Bleu. Ce Prix récompense, en effet, le meilleur roman francophone de
l’été parmi une sélection faite par le réseau des librairies indépendantes.
Cette année, le jury présidé par Éric Revel, directeur du réseau France Bleu, a
récompensé cette grande figure de nos lettres. Le jury était composé de Gaelle
Josse (lauréate 2016), d’une librairie indépendante de Limoges, d’une lectrice
de la revue Page et d’une auditrice de France Bleu.
Selon ce Jury, la prestigieuse récompense
littéraire a été attribuée dans les règles de l’art. Écrivain, Louis Philippe
Dalembert a la structure de son roman. Il se sert de ses outils et ne rechigne
pas à s’y attacher. Le livre est constitué d’actions s’organisant en intrigues
qui, elles-mêmes, se composent en séquences, c’est-à-dire des passages formant
une unité sur le plan du temps, des lieux, de l’action et des personnages. Le
schéma narratif, plutôt simple, prend en compte la succession logique des
évènements. L’enchâssement permet de développer des intrigues secondaires à
l’intérieur de l’intrigue principale. « Je suis très contente, d’autant plus
que c’est mon ancien étudiant à l’École normale supérieure (ENS) qui est devenu
un excellent ami et qui publie à la même édition que moi », s’est réjouie la
romancière Yanick Lahens jointe au téléphone. Elle estime que ça fait longtemps
que l’auteur de Le crayon du Bon Dieu n’a pas de gomme avait droit à cette
grande distinction.
La synopsis du roman tourne autour d’une fresque
conduisant son protagoniste de Lodz en Pologne, à Port-au-Prince. Dalembert
rappelle ainsi le vote par l’État haïtien en 1939 d’un décret-loi de
naturalisation in absentia qui a autorisé ses consulats à délivrer passeports
et sauf-conduits à des centaines de Juifs, leur permettant d’échapper au
nazisme. Avant d’arriver à Port-au-Prince à la faveur de ce décret, au début de
l’automne 1939, le docteur Ruben Schwarzberg, né en 1913 dans une famille juive
polonaise a traversé bien des épreuves. Devenu un médecin réputé et le
patriarche de trois générations d’Haïtiens, il a peu à peu tiré au trait sur
son passé. Mais quand Haïti est frappée par le séisme dévastateur de janvier
2010 et que la petite fille de sa défunte tante Ruth, partie s’installer en
Palestine avant la Deuxième Guerre mondiale, accourt parmi les médecins et les
secouristes du monde entier, il accepte de revenir pour elle sur son histoire
familiale.
Né à Port-au-Prince le 8 décembre 1962, Louis
Philippe Dalembert a grandi au Bel-Air, un quartier populaire de la capitale.
De formation littéraire et journalistique, il a travaillé comme journaliste
avant de partir en France en 1986 poursuivre ses études qu’il a achevées à
l’Université Paris-III-Sorbonne Nouvelle par un doctorat en littérature
comparée avec une thèse sur l’écrivain cubain Alejo Carpentier. Il a vécu tour
à tour à Nancy, Paris, Rome, Jérusalem, Berlin, Milwaukee. Voyageur
infatigable, il va partout où ses pas et son coeur le portent dans l’écho
renouvelé de sa terre natale. Il vit aujourd’hui entre Paris, Port-au-Prince et
l’Italie.
Louis Philippe Dalembert n’arrive pas les mains
vides à France Bleu. Il y débarque même les bras chargés. Son origine, son
parcours, son accent, ses convictions, ses doutes , ses inquiétudes et plus que
tout peut-être ses rêves d’harmonie et de coexistence pacifique entre les
peuples lui ont permis d’être le lauréat du Grand Prix de Poésie de la ville
d’Angers (1987), du Prix RFO du Livre pour le roman L’Autre face de la mer
(Paris, 1999), du Prix Casa de Las Americas pour le roman Les dieux voyagent la
nuit (Cuba, 2008) . Sans oublier le Prix Thyde Monnier de La Société des gens
de Lettres pour le roman Ballade d’un amour inachevé (Paris, 2013).
Par ces temps de crises, de grèves, de
revendications sociales et d’incertitudes sur l’avenir, Louis Philippe
Dalembert fait à son pays natal un honneur aussi grand qu’inattendu. Il a fait
vibrer la fibre nationale désemparée grâce à ses travaux littéraires
d’envergure, à un moment où la société haïtienne était en passe d’oublier
qu’elle avait encore sa littérature, la seule chose qui lui reste après avoir
tout perdu. Ou presque.
Crédit: Robenson Bernard