lundi 10 février 2020

Haiti/Crise: La violence que nous vivons en Haïti est une violence d’Etat dégénérée en terrorisme d’Etat

Cessez de faire l’apologie de la violence en Haïti !

« On ne fait pas de la politique avec des armes. Elle se fait plutôt qu’avec des idées et un projet de société ! » (Obed Remy)

« Pourquoi tout ça ? Pensez-vous vivre éternellement et en toute quiétude après avoir détruit un pays et tout un peuple ? Aucune manipulation de l’opinion publique ne peut éviter la réalité du temps. (Michael Lucius, poste le 26 Novembre à 1h 47pm).

 Les vieux routiers de la politique n’ont rien à perdre et ont beaucoup à gagner. Nombreux sont ceux qui ont fait leur fortune dans la drogue et la corruption ; d’autres sont au service de la classe d’affaires racaille, des Ambassades, des services secrets dominicains et la CIA. Ils n’ont rien apporté de substantiel par le passé, ce n’est pas aujourd’hui qu’ils vont nous proposer du santibon.
La classe politique a décidé à l’unanimité de fermer ses yeux à dessein pour ne pas poser « les vrais problèmes et s’attaquer aux véritables protagonistes des crises structurelle et conjoncturelle quand elle refuse de s’attaquer directement aux Américains qui sont les véritables responsables de la situation de misère et de dépendance du pays. » Il n’est pas question de faire sauter des écoles, des entreprises privées et publiques, des ambassades ; mais il faut tout simplement inviter les plus capables à présenter leurs idées afin que nous puissions non seulement présenter une vision commune, mais élaborer un projet de société avec toutes les stratégies d’exécution de ce projet. Nos armes de combat les plus puissantes sont notre cerveau, notre cœur, notre stylo. Les révolutions d’aujourd’hui ne peuvent être violentes, surtout quand on est en face d’un ennemi qui détient le monopole de la violence légitime.
L’Histoire d’Haïti est un cycle intermittent de violence, de luttes fratricides, de déchouquage. Durant ces soixante dernières années, la violence a été institutionnalisée en Haïti et ceux qui nous dirigent y ont recourt pour subjuguer la population.  Je devais écrire ce texte depuis Samedi dernier, mais pour une raison indépendante de ma volonté, je ne l’ai pas fait. Dimanche soir, quand j’ai vu sur Facebook le corps de l’Inspecteur Général Michael Lucius sur le pavé, je me suis dit qu’il faut bien donner une certaine orientation beaucoup plus pratique à ce texte pour saisir le réel et parler de la réalité du temps qui ne peut être évitée selon l’Inspecteur Général assassiné.
L’assassinat de ce courageux et estimé policier est un bon prétexte pour fustiger le comportement de certains de nos compatriotes qui font l’apologie de la violence et qui vont même jusqu’à soutenir l’idée d’une révolution sanglante pour obtenir la libération d’Haïti des griffes des néoliberalistes et néoesclavagistes. Voici ce qu’a écrit un ami qui est un spécialiste de la PNH et un expert en sécurité qui connaissait le défunt :
« Bonjour Frérot ! Je viens de lire ton message. Voici ce que je pense de Michaël Lucius:
C’était un fonctionnaire de l’État(Ministère de l’Éducation Nationale). Il était Professeur de Mathématiques. En 1997, je crois qu’il a intégré la PNH à la suite d’un concours pour des cadres. Il a réussi haut la main cette étape et est devenu Commissaire de Police (encadré par la structure de l’ICITAP). J’étais déjà Chef de Secrétariat de l’IGC quand il a intégré la PNH et Il a passé un temps relativement long dans la structure de l’Inspection Générale pour apprendre et mieux comprendre le fonctionnement de ce Corps.
Quelques années plus tard, Il est devenu Directeur Central de la Police Judiciaire à deux reprises. C’était un Homme compétent, direct mais frustré par rapport à son cheminement tourmenté dans la PNH. Il croyait toujours avoir des détracteurs même à l’intérieur de l’institution policière. Dernièrement, il est intervenu sur les ondes de la radio Zénith pour répondre aux calomnies de Arnel Bélizaire qu’il avait arrêté en 2004. Ce dernier était en fuite suite à une attaque à main armée contre le Pénitencier National. Michaël Lucius une fois redevenu à la tête de la DCPJ, était aussi à la base du retour en prison de Arnel Bélizaire qui a été arrêté en RD un peu plus tard. Je te rappelle que des agents pénitentiaires avaient trouvé la mort lors de cette attaque. Bref, la dernière fois que j’ai rencontré ce valeureux policier, il portait toujours son grade d’Inspecteur Général.
Il était responsable du traitement des demandes de l’égalisation d’armes à feu à la DGPNH. Puisqu’il connaissait l’histoire de beaucoup de gens dans la société haïtienne, il était un peu retors et mettait de côté certaines demandes de détention d’armes. Je crois que c’est une perte regrettable pour la PNH et pour le pays aussi.
Ps: sa famille est en exil en France depuis qu’il avait reçu une balle par des individus non identifiés après son premier passage comme DCPJ ( qui avait duré 8 mois).
Hier, 1er décembre 2019 au crépuscule , il a été assassiné devant chez lui. On parle de 9 étuis de cartouches sur les lieux du crime. »
Michael Lucius est l’exemple parfait du policier professionnel qui ne ménage pas les efforts pour effectuer son boulot avec professionnalisme. L’Inspecteur Général était responsable du traitement des demandes de l’égalisation d’armes à feu à la DGPNH, un poste qui lui a valu bien de puissants ennemis au sein de la société haïtienne où le trafic d’armes à feu est une activité très lucrative. Quand nous parlons de la violence, la première image qui surgit dans notre cerveau est une arme à feu, mais la violence n’est pas seulement cela. Le Larousse définit le concept violence ainsi : 


« Caractère extrême d’un sentiment : Violence des passions. … Ensemble des actes caractérisés par des abus de la force physique, des utilisations d’armes, des relations d’une extrême agressivité : Climat de violence. Contrainte, physique ou morale, exercée sur une personne en vue de l’inciter à réaliser un acte déterminé. » La violence peut être aussi l’utilisation de force ou de pouvoir, physique ou psychique, pour contraindre, dominer, tuer, détruire ou endommager. Elle implique des coups, des blessures, de la souffrance, ou encore la destruction de biens humains ou d’éléments naturels. Selon l’OMS, « la violence est l’utilisation intentionnelle de la force physique, de menaces à l’encontre des autres ou de soi-même, contre un groupe ou une communauté, qui entraîne ou risque fortement d’entraîner un traumatisme, des dommages psychologiques, des problèmes de développement ou un décès. »
Nous distinguons plusieurs types de violence :
1)violence entre personnes : comportements de domination ou asservissement employant la force, physique (coups, viol, torture…), verbale et psychologiques (injuresinjonctions paradoxalesharcèlement, privation de droits ou libertéabus de position dominante…).
2) Violence d’État : les États pratiquent discrètement ou revendiquent selon la définition célèbre de Max Weber, un « monopole de la violence légitime », pour exécuter les décisions de justice, assurer l’ordre public, ou en cas de guerre ou risque de guerre (on tente alors de la légitimer par les doctrines de la « guerre juste »). Celle-ci peut dégénérer en terrorisme d’État ou d’autres formes de violence les plus extrêmes telles que le génocide ;
3) Violence criminelle : le crime, spontané ou organisé, peut avoir des causes sociales, économiques, ou psychologiques (schizophrénie, etc.). Cette forme de violence est selon certains auteurs l’envers d’une violence étatique et/ou symbolique.
4) violence économique,
5) violence pathologique,
6) violence naturelle,
7) la cyber-violence. Cette typologie n’est pas exhaustive, mais nous avons de quoi pour développer nos idées sur le phénomène de la violence en Haïti.  
La violence que nous vivons en Haïti depuis six décennies est une violence d’Etat qui est dégénérée en terrorisme d’Etat. Les adeptes du duvaliérisme savent bien comment François Duvalier utilisaient la milice des Tontons Macoutes pour faire peur, intimider, arrêter, emprisonner, bastonner et même exécuter des gens sommairement en public pour emprisonner la population mentalement et la contrôler. Henry Namphy, Prosper Avril et Jean Bertrand Aristide utilisait les mêmes pratiques à une moindre échelle pour aboutir au même résultat que les duvaliéristes. Le Curé de Saint Jean Bosco a accentué cette violence quand il a établi Père Lebrun (le fameux caoutchouc) Evêque.
La manipulation de l’opinion publique que l’officier de police assassiné souligne est conduite en grande partie par la Presse et certains activistes sur les réseaux sociaux. Depuis une trentaine d’années, la violence est ancrée dans nos mœurs, dans notre quotidien, dans le parler, l’écrit et même dans notre imaginaire. Je ne suis ni psychologue ni sociologue ; mais comme éducateur qui observe et analyse, je peux affirmer sans ambages qu’il y a une culture de la violence qui est entretenue par divers facteurs sociaux. C’est un bon thème de réflexion pour des spécialistes en sciences sociales. Je sais que le professeur Obrillant Damus a produit plusieurs livres sur la violence sexuelle ; je l’en félicite et je l’encourage à continuer sur cette lancée, car nous avons besoin de saisir et d’appréhender cette culture de la violence pour pouvoir la vaincre. La culture de la violence s’impose dans notre société.
La violence verbale dans les médias traumatise et suffit pour déstabiliser tout un pays. Quand chaque Samedi, une station de radio dispose de 5 heures de temps d’antenne pour permettre à des hommes de hurler, proférer des menaces, raconter des bobards, déblatérer, faire de la politicaillerie, agacer et tuer l’espoir dans le cœur de la population ; c’est non seulement une forme de violence symbolique qui donne assise à la violence d’Etat. Les Haïtiens croient mordicus que rien ne changera et cette conception vient d’un matraquage de la presse qui fait la promotion d’assassins à cravate, de dilapidateurs de fonds publics, de criminels notoires et de la corruption. Le phénomène de « machann mikwo » exacerbe cette culture de la violence.
Aujourd’hui, les chefs de gangs ont droit à la parole plus que le citoyen lambda qui propose une nouvelle mentalité pour une Haiti Nouvelle. Il est impératif d’avoir de nouveaux acteurs politiques en Haïti qui pourront embrasser cette conception de la politique du Pape Jean Paul II : « La politique est l’utilisation du pouvoir légitime pour atteindre le bien commun de la société, bien commun qui, comme l’affirme le Concile Vatican II, se concrétise dans « l’ensemble des conditions qui rendent possible pour les hommes, les familles et les groupes un accomplissement d’eux-mêmes plus plénier et plus aisé. » L’activité politique doit donc s’exercer en esprit de service. Mon prédécesseur Paul VI a affirmé à juste titre que « la politique est une manière exigeante de vivre l’engagement chrétien au service des autres. »
Le Cardinal vietnamien François-Xavier Nguyen Van Thuan a écrit : « Heureux le politicien qui a une haute idée et une profonde conscience de son rôle. Heureux le politicien dont la personne reflète la crédibilité. Heureux le politicien qui travaille pour le bien commun et non pour son propre intérêt. Heureux le politicien qui reste fidèlement cohérent. Heureux le politicien qui réalise l’unité. Heureux le politicien qui s’engage dans la réalisation d’un changement radical. Heureux le politicien qui sait écouter. Heureux le politicien qui n’a pas peur. »


Le journaliste Obed Rémy écrit : « On ne fait pas de la politique avec des armes. Elle se fait plutôt qu’avec des idées et un projet de société ! » La violence structurelle qui est en place en Haïti trouve son assise à travers la violence économique qui élimine radicalement le pouvoir d’achat des Haïtiens. Les Américains ont encouragé le déboisement depuis 1915 pour ensuite tuer nos cochons créoles, ce qui a affaibli la paysannerie haïtienne. Le plan d’ajustement structurel imposé à Haïti à la fin des années 80 qui a pu être implémenté par René Préval avec la bénédiction de Jean Bertrand Aristide qui a cautionné un embargo criminel de trois ans sur Haïti, a aplani le sentier pour enraciner cette violence économique qui remonte a l’assassinat de l’Empereur Jean Jacques Dessalines. Nous devons cesser de faire l’apologie de la violence en Haïti. Je suis convaincu que les grandes valeurs universelles sacro saintes retrouvées en Orient et en Occident doivent être le socle de toute révolution culturelle(spirituelle) en Haïti : Amour, amour du prochain, amitié, autonomie, réussite, stimulation, courage, famille, honnêteté, éducation formelle et informelle, respect de la vie, solidarité humaine, la fraternité, le vivre ensemble, l’amour de la patrie, l’éducation à la citoyenneté, le leadership, l’entreprenariat, etc.
L’Inspecteur General Michael Lucius a posté sur sa page Facebook ce commentaire le Mardi 26 Novembre à 1h47pm : « Pourquoi tout ça ? Pensez-vous vivre éternellement et en toute quiétude après avoir détruit un pays et tout un peuple ? Aucune manipulation de l’opinion publique ne peut éviter la réalité du temps. » Il a été assassiné cinq jour après. C’est une sorte de « pattern » en Haïti ; à chaque fois qu’un individu en position de pouvoir questionne le système « peze souse » et la mafia locale qui le contrôle ; il est assassiné. Le Père Simoly, un prélat qui pouvait rassembler une grande foule de chrétiens a été assassiné 10 jours après avoir affirmé dans un grand rassemblement au Stade Sylvio Cator que la lumière doit être faite sur le dossier Petrocaribe.
Que d’innocents, d’hommes et de femmes conscients ont perdu leur vie en voulant faire obstacle à cette culture de la violence qui est endémique. « S’impliquer dans la politique est une obligation pour un chrétien. Nous chrétiens, nous ne pouvons pas » jouer à Ponce Pilate, nous en laver les mains, c’est impossible. Nous devons nous impliquer dans la politique, parce que c’est l’une des formes les plus élevées de la charité, parce que qu’elle recherche le bien commun. Et les laïcs chrétiens doivent travailler en politique. Tous les citoyens doivent participer au bien commun » (Pape François, 7 Juin 2013).
La culture de la violence peut être déracinée en Haïti et une autre Haiti Nouvelle est possible. Embrassons une mentalité nouvelle, et créons-la ! « La ville vivra ! Il est temps d’entamer l’explication à répéter mille fois, la Parole infatigable destinées à suggérer graduellement au bon sens collectif un nouveau mode de pensée, à lui inculquer une mentalité nouvelle. Commençons à propager la nouvelle Parole ! » (Ludovic Comeau Jr., Bâtisseurs du lendemain ». Nous devons communiquer, car communiquer c’est négocier et cohabiter. Nous devons utiliser les réseaux sociaux à bon escient pour informer, former, communiquer et transformer. « Communiquer c’est autant partager ce que l’on a en commun que gérer les différences qui nous séparent. C’est pourquoi la communication devient une des grandes questions de la paix et de la guerre de demain. » (Dominique Wolton).
Kerlens Tilus    12/7/2019
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